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Oct 22
Pourquoi la 5G ne tuera pas la radio FM

Pourquoi la 5G ne tuera pas la radio FM

La transmission sans fil de 5e génération, communément appelée la 5G, débarquera bientôt au pays. Il faudrait s’être enfermé dans une grotte pour n’en avoir jamais entendu parler. Qu’est-ce que ça changera pour la radio? Honnêtement, pas grand’ chose.

Son avènement bousculera sans doute beaucoup de choses dans le merveilleux monde des télécommunications, mais pas tellement la radio. Du moins, pas chez votre radio locale.

Des coûts d’opération totalement irréalistes

En 2014, j’avais cité une étude allemande qui révélait qu’il en coûtait jusqu’à 40 fois plus cher d’opérer de la radio sur internet mobile LTE plutôt qu’en radio numérique terrestre (p. ex. : sur DAB+).

Pourquoi un radiodiffuseur accepterait-il de tels coûts d’opération? Ceux qui croient que la technologie 5G contribuera à faire baisser radicalement les prix se trompent.

C’est vrai tant pour les opérateurs eux-mêmes que pour les consommateurs.

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Bien sûr, une technologie comme la 5G Broadcast pourrait (peut-être) contribuer à couper tant les frais d’opération que de consommation.

Mais encore faudra-t-il d’une part que les radiodiffuseurs eux-mêmes soient en mesure d’y adhérer, et que, d’autre part, les consommateurs puissent eux aussi se l’approprier.

Là-dessus, je ne retiendrais pas tellement mon souffle si j’étais à votre place.

Premièrement, il faudra que l’industrie de la radio/télé réussisse à convaincre les manufacturiers de téléphones sans fil d’intégrer cette technologie 5G Broadcast au cœur des appareils qu’ils manufacturent.

Ensuite, il faudra aussi convaincre les fournisseurs de services sans fil eux-mêmes de faire une toute petite place aux radiodiffuseurs et télédiffuseurs traditionnels au sein de leur écosystème. Alors autant rêver.

On n’a qu’à voir le peu d’enthousiasme qu’a soulevé l’idée d’activer la puce FM dans les téléphones cellulaires pour s’en convaincre.

Les gagnants? Aucun d’entre nous

Les sommes payées par les géants des télécommunications pour acquérir des parcelles du spectre lors des ventes aux enchères du gouvernement fédéral sont astronomiques.

Le printemps dernier par exemple, les seules enchères du spectre de la bande de 600 mégahertz avaient permis au gouvernement d’empocher 3,47 milliards de dollars.

Sur les 112 licences qui étaient à attribuer, 104 d’entre elles furent acquises par neuf entreprises, dont plus d’une cinquantaine juste pour Rogers.

Comme le révèle le site lesaffaires.com, Telus a dépensé plus de 930 millions $ pour une douzaine de licences, tandis que Québecor en a acheté une dizaine pour 256 millions $.

On devine que ces entreprises ne feront aucun cadeau aux radiodiffuseurs et télédiffuseurs lorsque viendra le temps de leur louer l’accès aux infrastructures et aux ondes 5G.

Si ces entreprises ne font pas de cadeaux aux particuliers, pourquoi en serait-il autrement pour leurs clients d’affaires?

N’oubliez pas que les Canadiens sont parmi ceux qui paient les forfaits d’internet mobile les plus élevés à travers le monde, comme en font foi les chiffres du CRTC.

En réalité, les seuls qui bénéficieront réellement de l’arrivés de la technologie 5G sont les géants des télécommunications eux-mêmes. Point à la ligne.

Le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière

D’abord, pour le consommateur moyen, ça signifiera entre autres l’accès à la domotique et la télématique, ainsi qu’une offre accrue de contenus numériques à la demande, mais aussi une facture de services de télécommunications assurément beaucoup plus élevée qu’elle ne l’est actuellement.

Plus on consomme de données pour la télésurveillance ou encore le divertissement, plus on doit forcément payer.

D’autre part, pour des groupes citoyens tels que Stoppons la 5G, cette nouvelle technologie représente carrément un danger public. Il y a donc là aussi toute une question de santé publique qui préoccupe de plus en plus de gens.

Or, pour les Rogers, Bell et, à plus petite échelle Vidéotron, qui possèdent tous un portefeuille assez bien garni de chaînes de télévision, de stations de radio et de sites web, la technologie 5G est un véritable cadeau du ciel.

Pourquoi? Parce qu’ils auront ainsi le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière.

Ils créeront les contenus numérique que vous consommerez, sur leurs propres plateformes numériques, par le biais de leurs infrastructures, et tout ça en payant la facture de téléphonie sans fil. Bingo!

La 5G deviendra, pour ces entreprises multi tentaculaires, le véhicule parfait pour diffuser l’ensemble de leurs contenus numériques sur la quasi totalité des plateformes avec ou sans fil.

De cette façon, ils s’assureront de vous garder encore plus captifs de leur écosystème numérique. C’est aussi simple que ça.

Faut-il d’ailleurs s’étonner que chacun d’entre eux se soient rapidement positionnés comme des membres très impliqués au sein du Conseil 5G Canada, qui visent à promouvoir l’adoption de ce nouveau standard de communication sans fil? Poser la question, c’est y répondre.

La radio FM et internet sont loin d’être mortes

Je dois admettre qu’au point de vue strictement technologique, la 5G a quelque chose d’excitant.

Pour un gars comme moi, à l’affût constant des plus récentes innovations technologiques, ça mérite au moins un peu d’attention.

Toutefois, dans le concret, si j’enfile mon chapeau de gars du domaine médiatique, je suis obligé d’admettre qu’il y a beaucoup trop de questions qui demeurent sans réponse, et, d’autre part, que les technologies actuelles sont encore beaucoup trop fiables et importantes pour qu’on entrevoit leur disparition imminente.

Je ne vois pas comment, demain matin, la radio terrestre par ondes hertziennes telle qu’on l’a connue depuis des décennies pourrait disparaître.

Les efforts et l’argent qui furent investis ces dernières années pour rejoindre l’auditoire via l’internet, la bande FM ou même la DAB+, tout particulièrement sur le continent européen, sont beaucoup trop importants pour qu’on puisse en prévoir la fin imminente.

Vous êtes présents sur la bande FM? Vous l’êtes aussi présents sur le ‘streaming’ en ligne? Alors circulez, il n’y a rien à voir ici.

Ne jetez par votre vieille radio à transistor et ne remplacez pas non plus le récepteur FM dans le tableau de bord de votre véhicule.

L’avenir ne s’annonce pas sombre pour la radio pour encore plusieurs décennies. Plusieurs.

 

(Image à la une : Simon Forgues avec DarkWorkX sur Pixabay)

À propos de l'auteur

Professionnel du domaine des médias électroniques avec plus de 30 ans d'expérience, Simon Forgues est à l'emploi de l'Alliance des radios communautaires du Canada depuis 2007. Diplômé en animation radio et télévision au Collège Radio Télévision de Québec, il possède aussi une attestation d'études en création de podcast du Collège Bart. Impliqué dans de nombreux projets liés à la radiodiffusion, et ce, de l'idéation de contenu jusqu'à la production, il a œuvré dans différentes radios du Québec et de l'Ontario, où il a cumulé également des tâches liées à la coordination musicale et à la programmation.

2 commentaires

  1. Alain-Jean V.
    24/10/2019 à 11:30 ·

    Comme si je vais m’abonner à des donnés mobiles pour écouter la radio dans mon auto!!!!!!!! Franchement. Tant que ma radio va marché, je vais continuer d’écouté la radio FM et même sur AM des fois.

    • administrateur
      25/10/2019 à 07:41 ·

      Merci de votre commentaire. En effet, les investissements pour changer les équipements de transmission et de réception radio tels qu’on les connaît actuellement vers la 5G seront particulièrement élevés. Un point qui a été soulevé à plusieurs reprises par de nombreuses personnes, comme dans ce texte de 2017 : https://worlddabeureka.org/2017/10/11/is-5g-the-future-for-radio/

      Qui ramassera la facture? Grosse question.