[OPINION] Se pourrait-il, il ne s’agit bien sûr que d’une simple opinion, qu’une bonne partie des problèmes que nous connaissons dans les médias face aux GAFAM viennent en fait… de nous-mêmes ?
Le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la fermière
Certes, il aurait été difficile de deviner, il y a dix ou douze ans, qu’une partie de bras de fer semblable à celle qu’on vit aujourd’hui allait un jour survenir. Avec l’État canadien d’un bord, et, de l’autre, une poignée d’entreprises gigantesques déterminées à préserver leur hégémonie sur les contenus en ligne.
En même temps, il ne fallait pas être devin non plus. Nous aurions pu nous apercevoir, bien avant cela, que nous laissions ces géants du web devenir beaucoup trop gros.
On aurait dû aussi être assez prévenant pour savoir qu’en mêlant contenus journalistiques et tribunes d’opinions, en l’occurrence aussi peu balisées et avec aussi peu de garde-fous que Facebook, on courait après le trouble.
Mais au fond, nous n’étions ni mieux, ni pire que tout le monde.
Nous souhaitions, comme tout le monde, profiter de la visibilité et du trafic, ainsi que du partage des contenus journalistiques sur Twitter et sur Facebook.
Et aujourd’hui, nous espérons en plus y retirer des redevances ?
Hum ! C’était vouloir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la fermière. Bref, beaucoup trop pour des ogres comme Facebook et Google.
Attention ! Je ne cautionne ni Facebook, ni Google. Loin de là. Je ne fais qu’expliquer, en partie du moins, leur réaction épidermique.
Je ne dis pas non plus qu’il ne fallait pas que les médias s’y engouffrent. Mais comme n’importe quelle autre entreprise. Pour signifier notre existence, y promouvoir nos émissions, etc.
Mais pas pour mélanger l’information avec l’opinion. C’est là-dessus que je me questionne à haute voix.
Parce qu’il est là le problème. En grande partie. Pas dans le fait d’y promouvoir nos animateurs et nos émissions.
Je questionne essentiellement l’idée d’avoir mélangé de l’info avec les opinions alambiquées de tout un chacun, et, surtout, de se créer une si grande dépendance à l’endroit des GAFAM.
Imaginez qu’on fasse un bulletin de nouvelles à la radio, et, qu’à la fin de chaque nouvelle, on ouvre les circuits téléphoniques pour laisser les auditeurs livrer leurs impressions sur la nouvelle.
Vous imaginez déjà la cacophonie et les dérapages, n’est-ce pas ? Pourquoi l’a-t-on fait en ligne ?
Le mélange des genres est toujours hasardeux
Dès qu’on fait se côtoyer les informations factuelles avec des opinions, souvent exprimées de façon irréfléchie et désarticulée dans les médias sociaux, on court après le trouble. Ça, c’était prévisible.
Malheureusement, c’est ainsi qu’on a habitué les internautes. Commenter dans l’espace numérique, en l’occurrence les réseaux sociaux, les contenus journalistiques rigoureux qui auraient dû en principe n’être commentés que chez soi. Ou en tout cas pas dans les pages Facebook des médias.
Avoir une opinion, soit. Dans son salon. Un vendredi soir. Devant une bouteille de vin. Avec deux ou trois amis.
Pas devant 10 000 parfaits inconnus dans les réseaux sociaux.
Alors, je répète. Fallait-il mêler nouvelles et opinions ? Oui, j’ai mon opinion là-dessus.
Y annoncer la grille horaire ? Certainement. Mais laisser des gens commenter sur le meurtre sordide d’un couple d’aînés ? Pas certain.
Une opportunité peut-être à saisir
Ça fait des années qu’on s’inquiète que les citoyens prennent leur information sur des tribunes qui contribuent – plus que quiconque – à la dissémination des fausses nouvelles.
Et soudainement, parce qu’on est menacé d’en être expulsé, on fait des convulsions et on pousse des cris aigus ?
Et si, finalement, la décision de Facebook était l’opportunité à saisir de nous affranchir (enfin !) de la mainmise des GAFAM sur les contenus journalistiques.
Gardez les ‘fake news’. On va s’occuper des ‘real news’. Un bon divorce, non ?
On pourrait adopter, à titre d’exemple, des plateformes décentralisées et libres de droits pour disséminer autrement les contenus journalistiques.
En créant de nouveaux espaces publics de diffusion de l’information numériques, en collaboration avec tous les joueurs de l’écosystème médiatique qui souhaitent y contribuer. Comme de nouvelles vitrines pour nos contenus journalistiques canadiens
Libres des contraintes des géants. Carrément.
Je terminerai avec cet exemple.
On (le Canada) a créé, il y a quelques années, une application mobile au coût de 16 M$ pour promouvoir les deux langues officielles.
Parce qu’il s’agissait d’une valeur apparemment chère aux yeux du Canada.
On devait bien être capable de se créer un ou deux outils pour que les Canadiens puissent s’informer de manière fiable auprès de sources journalistiques sérieuses et rigoureuses, non ? Au lieu de s’en remettre continuellement aux GAFAM.
Au fond, cet écueil en travers de la route des médias canadiens est peut-être une bougie d’allumage. Pour nous réinventer et accoucher de nouvelles solutions.
À mon avis, on a nous-mêmes cassé des pots en embrassant à pleine bouche et sans discernement les géants du web.
À défaut de recoller le pot des GAFAM qu’on a cassé
, je nous crois parfaitement capables de nous créer un ou même de nouveaux pots.