La semaine dernière, à Ottawa, les représentants des médias des communautés de langues officielles en situation minoritaire (MCLOSM) ont vécu un forum en véritables montagnes russes, avec des montées grisantes de fierté, suivies de descentes abruptes vers des constats plus sombres, voire terrorisants.

Pour tout vous dire, j’ai pris quelques jours pour digérer la matière et tourner mes doigts sept fois sur le clavier avant d’écrire ces lignes.

Car ce que j’ai vu et entendu mérite qu’on s’y attarde. Sérieusement.

 

Ça monte… puis ça redescend abruptement

D’un côté, les participants ont été portés vers les hauteurs par la reconnaissance du rôle vital que jouent nos médias locaux dans la vitalité et l’épanouissement de leurs communautés.

De l’autre, la descente a été rapide. Puisqu’on leur a fait la démonstration — parfois crue — du manque de reconnaissance dont ces médias souffrent, y compris au sein de leur propre milieu.

On ne va pas se mettre des œillères, ni se raconter d’histoires.

À l’ère des Netflix, YouTube et Facebook, on semble avoir oublié que, tout près de chez nous, des médias de proximité racontent nos histoires mieux que quiconque.

Pourtant, ces voix locales traversent aujourd’hui une tempête sans précédent.

 

Un livre blanc lucide et une sonnette d’alarme

Le livre blanc « Vérités, défis, occasions à saisir et pistes d’avenir », dévoilé lors du forum Voix Locales du Consortium des MCLOSM, brosse un portrait lucide de la situation.

Déjà, l’on constate entre autres choses que les médias eux-mêmes ont déjà fait un examen de conscience et une sorte d’auto-évaluation. Ce qui n’est pas négligeable.

Reconnaître qu’on a un sérieux problème est déjà en soi le début d’un long processus vers la guérison.

Ce livre blanc identifie quatre chantiers ambitieux — mais réalistes — afin de préserver cet écosystème fragile. Or, la réussite de ces quatre chantiers dépendra d’un engagement concerté de tous les acteurs concernés.

 

Les quatre chantiers

  1. Organisationnel : Les médias eux-mêmes doivent innover, mobiliser leur milieu et moderniser leurs installations. L’auto-évaluation menée pour ce livre blanc montre déjà une ouverture à ce changement, comme je l’écrivais précédemment.
  2. Sectoriel : Le Consortium et les organismes de représentation doivent assumer un leadership fort et multiplier les initiatives concrètes. J’ai l’impression que ce livre blanc, le sondage Nanos, ainsi que les cercles d’exploration réalisés pendant le forum sont de bons pas dans la bonne direction.
  3. Gouvernemental : Les gouvernements, à tous les niveaux, doivent reconnaître et financer adéquatement ces médias, au-delà des discours. Déjà, je crois qu’on peut se réjouir de la présence de nombreux représentants du gouvernement à cet événement qui s’est tenu à Ottawa.
  4. Institutionnel et associatif : Enfin, les associations porte-paroles et les gens du milieu, francophones hors Québec et anglophones au Québec, doivent se mobiliser et plaider activement pour la survie de leurs propres médias.

 

Le virage le plus serré

Franchement, c’est sur ce dernier chantier que mes inquiétudes sont les plus vives. Celui institutionnel et associatif. Je trouve que le virage sera serré et difficile à emprunter. Surtout en bas d’une pente aussi raide que celle-là.

J’ai vu, au fil de mes dix-huit années au sein d’une association nationale de radio communautaire, des organisations abandonner leur licence de radio ou délaisser leur hebdo local au profit d’un usage presque exclusif des plateformes numériques étrangères.

Il ne s’agit pas d’accuser, mais de constater. En agissant ainsi, on scie la branche sur laquelle on est assis.

Ces médias, souvent créés par les communautés elles-mêmes, sont les wagons essentiels d’un train collectif dans lequel nous filons sur les rails de notre avenir linguistique. S’en détacher, c’est affaiblir tout le convoi.

 

Visons les sommets plutôt que les descentes

Les membres du Consortium ont montré la voie. En faisant preuve d’humilité, d’introspection et d’une volonté d’agir. Ils ont su mettre cartes sur table, partager leurs défis et proposer des solutions concrètes.

Cette ouverture devrait inspirer l’ensemble des organismes porte-paroles, qu’ils soient francophones hors Québec ou anglophones au Québec, à s’engager dans le même exercice.

Puisque la préservation de nos médias locaux n’est pas un luxe, mais une nécessité.

Ils sont la mémoire vivante de nos communautés, le reflet de notre culture et un pilier de notre avenir collectif. Les soutenir, c’est investir dans notre propre voix.

À chacun maintenant de prendre sa part : citoyens, institutions, gouvernements, associations.

Visons à nouveau les sommets de ce grand parcours en montagnes russes, afin qu’on recommence à monter plutôt que de rester coincés dans une descente infernale sans fin.

Je vous invite à consulter le livre blanc et les résultats du sondage Nanos, disponibles sur le site du Consortium, et à réfléchir à ce que vous pouvez faire, dès aujourd’hui, pour que nos voix locales continuent de grimper vers de nouveaux sommets — plutôt que de rester coincés en bas de la piste.

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