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Nov 11
Un mammouth qui pense à un oiseau

Quitter l’oiseau bleu et se réfugier au pays du mammouth? Oui, mais…

Ces derniers jours, j’ai décidé de mettre en pause (comprendre : et clore éventuellement) mon compte Twitter, afin de me lancer dans l’aventure Mastodon. Mastodon est-il fait pour vous ? Voici mes premières impressions.

Partir de Twitter pour aller picorer ailleurs

Twitter est un réseau social très populaire auprès des professionnels de l’information et des médias.

Ceux-ci l’apprécient en outre pour dénicher de l’information et entrer en contact avec des personnes d’intérêt, sinon pour informer le public de leurs propres activités.

Or, depuis qu’Elon Musk s’en est porté acquéreur, nombreux sont ceux qui craignent de le voir devenir le terreau fertile des trolls et que les débats ne se polarisent davantage.

Déjà, on a pu remarquer sur Twitter une recrudescence des propos antisémites et haineux de toutes sortes. Plusieurs grandes entreprises y ont d’ailleurs suspendu leurs publicités craignant d’être associées à de tels dérapages.

La firme Cossette, qui gère une grande partie des placements publicitaires du gouvernement fédéral, a d’ailleurs fortement conseillé à Ottawa d’y suspendre ses publicités.

De nombreux journalistes n’ont donc pas hésité à refermer la cage de l’oiseau bleu et se tourner vers les verts pâturages de Mastodon.

C’est le cas de la journaliste Johanna Luyssen entre autres. Présente sur Twitter depuis 14 ans, elle raconte dans Libération qu’elle n’a pas hésité à fermer son compte (@johannaluyssen), afin d’embrasser complètement sa nouvelle aventure dans Mastodon.

Le compte Twitter @johannaluyssen n'existe plus

(Capture d’écran)

L’alternative à la fois la plus près… et la plus éloignée de Twitter

En y jetant un coup d’œil rapide, la ressemblance avec Twitter semble flagrante. Avec un fil d’actualités rempli de courts messages et une interface très comparable.

On s’abonne à des gens. Eux-mêmes s’abonnent ou pas en retour. On use de mots-clics pour mieux classer et retrouver les conversations.

Ceux qui utilisent le TweetDeck de Twitter y verront d’ailleurs de grandes similitudes.

Mais, c’est ici que s’arrête la comparaison.

Mastodon est certainement l’un des réseaux sociaux se rapprochant le plus visuellement de Twitter dans la forme, soit le microblogue. Toutefois, il en est aussi l’un des plus éloignés dans le fond.

Je dirais même que Twitter et Tumblr (autre service de microblogue), malgré toutes leurs différences, ont sans doute beaucoup plus de similarités l’un avec l’autre que Mastodon pourrait en avoir avec Twitter.

Comment est-ce possible ? C’est qu’il faut justement distinguer le fond de la forme.

Une philosophie bien différente

Lancé au printemps 2016, Mastodon est un réseau libre et décentralisé. Il adhère aux principes d’un internet libre et ouvert, qui n’appartient à personne et dont tous les internautes peuvent profiter.

Tout le contraire de Twitter et de Tumblr, dont les activités appartiennent à des entreprises.

Twitter, c’est Twitter Inc. Tandis que Tumblr, c’est Automattic Inc., la compagnie derrière WordPress.com.

Elles ont pour objectif de faire des profits; c’est normal pour toute entreprise privée.

Or, Mastodon n’est pas une entreprise privée et n’a pas de but commercial. C’est une organisation à but non-lucratif enregistrée en Allemagne.

Elle recueille des dons et n’affiche aucune publicité, ni n’a recours à des algorithmes pour déterminer les contenus affichés.

Le réseau est d’ailleurs bâti de façon typiquement communautaire. N’importe qui peut aménager un serveur Mastodon.

On peut dire que Mastodon n’est pas UN réseau social, mais plutôt de nombreux réseaux sociaux capables d’interagir entre eux.

Si vous en avez envie, votre organisation pourrait théoriquement aménager son propre serveur et ainsi accueillir ses propres utilisateurs. Les salariés de votre organisation s’en serviraient un peu comme d’un réseau d’échange à la fois local et mondial, si vous le souhaitez.

En effet, grâce à un protocole commun à tous les autres serveurs, les personnes inscrites peuvent échanger non seulement avec celles présentes sur le même serveur, mais aussi avec les autres connectées à travers le réseau fédéré Mastodon.

Si cette philosophie est un principe auquel vous adhérez, peut-être serez-vous intéressé par l’aventure Mastodon.

Sauf que…

L’arrivée d’Elon Musk provoque un exode

Mastodon a les défauts de ses qualités. Comme l’infrastructure repose sur une série de serveurs maillés les uns aux autres, certains d’entre eux sont évidemment très solides, mais d’autres beaucoup moins.

Posséder un serveur pour utiliser Mastodon n’est pas en soi une entreprise lucrative.

Malheureusement, depuis l’afflux aussi soudain que massif de plusieurs centaines de milliers de nouveaux utilisateurs ces derniers jours, plusieurs serveurs peinent à encaisser le coup.

Le 27 octobre dernier, Mastodon indiquait que plus de 230 000 personnes y avaient créé un compte en l’espace d’une semaine.

Mastodon accueille des centaines de milliers de nouveaux utilisateurs

(Source : Twitter.com / @joinmastodon)

Le problème, et il est presque aussi gros qu’un mammouth, la mascotte du réseau, c’est qu’au cours des derniers jours, plusieurs serveurs ont littéralement craqué devant l’afflux massif de nouveaux utilisateurs.

Problème que n’ont d’ailleurs pas manqué de relayer nombre d’usagers. Attention ! Craqué est un bien grand mot.

En fait, tout revient généralement à la normal assez rapidement. N’empêche, pour les plus pressés, ça peut être la source d’intenses frustrations lorsqu’un message refuse obstinément de partir pendant de longues minutes.

Personnellement, je ne suis pas de ceux-là. Je suis même plutôt tolérant quand vient le temps d’adhérer à un nouveau service et d’essayer de nouvelles choses.

Pour preuve, à l’ouverture de Google+ en 2011, j’avais fermé définitivement mon compte Facebook pour adhérer au nouveau réseau.

Sacrilège!, diront certains. Fermer son compte Facebook ?

Oui, ça se fait. En partie du moins, en ce qui me concerne. J’avais dû conserver un profil sans abonné ni abonnement afin de gérer la page Facebook de notre organisation. Sinon, ma présence est très limitée. Presque inexistante en fait.

Il faut avoir le goût d’essayer des choses

Êtes-vous du genre à vouloir essayer le nouveau gadget à la mode? Goûter un produit dès qu’il apparaît sur les tablettes du supermarché? Je suis de ceux-là.

Un early adopter, comme on les appelle en anglais. Des utilisateurs précoces qui n’hésitent pas à baliser le chemin pour les autres qui regardent la parade, et ce, même s’ils doivent subir quelques ecchymoses et égratignures au passage.

Je tiens quand même à préciser que c’est mon second passage sur Mastodon. Je m’y étais déjà aventuré une première fois il y a quelques années. L’endroit étant encore trop peu fréquenté et n’ayant pas l’air de décoller, je n’y étais pas resté. Mastodon n’était alors vieux que d’un an ou deux.

Cette fois-ci, je compte y rester. J’ai bon espoir de m’y faire une place et d’y demeurer pour de bon.

Si vous souhaitez y faire vos premiers pas, vous m’y trouverez ici. Sinon, faites une recherche une fois que vous serez installé. Vous devriez m’y trouvez sans trop de problème.

Je ne taris pas de conseils quand on a besoin d’aide et j’essaie d’apporter ma modeste contribution afin de conserver l’endroit aussi accueillant que paisible.

En résumé

Si vous êtes de ceux et celles qui aiment essayer de nouvelles choses. Si vous comprenez qu’on n’a pas forcément besoin d’un réseau social pour vivre et dormir.

Si vous croyez qu’on peut très bien accepter quelques soubresauts avec un nouveau produit, surtout gratuit, et ce, sans en mourir cruellement dans d’atroces douleurs.

Alors, Mastodon est peut-être pour vous. Rien ne vous empêche d’ailleurs de conserver vos autres présences en ligne, tout en vous y essayant.

Certes, on peut y vivre quelques bogues occasionnels et l’expérience peut être quelque peu déroutante aux premiers abords.

Mais le climat, du moins selon mes premières observations, y est nettement plus paisible que Twitter. D’autant plus que vous ne serez pas assailli par des publicités intempestives et des tweets sponsorisés.

Il est possible d’y connaître des gens intéressants et d’échanger de façon cordiale et posée. Je m’y suis déjà constitué un petit cercle de 120 abonnés en quelques jours et m’y suis moi-même abonné à plus d’une centaine de comptes.

En plus de l’interface web, il est possible d’y naviguer en utilisant diverses applications disponibles sous Android et iOS.

Ainsi, le réseau ne sera jamais plus loin que le fond de votre poche de pantalon.

Faits intéressants :
  • L’Union européenne possède sa propre instance (son serveur) Mastodon. (Source)
  • Au moment de rédiger ce texte, il y a 3 615 instances (serveurs) Mastodon fréquentées par près de 3,9 millions d’utilisateurs (dont plus de 900 000 actifs dans le dernier mois) pour plus de 436 millions de messages publiés. (Source)
  • Mastodon ne diffuse pas de publicité ni ne recueille de données personnelles. (Source)
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À propos de l'auteur

Professionnel du domaine des médias électroniques avec plus de 30 ans d'expérience, Simon Forgues est à l'emploi de l'Alliance des radios communautaires du Canada depuis 2007. Diplômé en animation radio et télévision au Collège Radio Télévision de Québec, il possède aussi une attestation d'études en création de podcast du Collège Bart. Impliqué dans de nombreux projets liés à la radiodiffusion, et ce, de l'idéation de contenu jusqu'à la production, il a œuvré dans différentes radios du Québec et de l'Ontario, où il a cumulé également des tâches liées à la coordination musicale et à la programmation.