J’aimerais sincèrement crier de joie devant cette nouvelle parue ce matin (« Crise des médias: un coup de pouce d’Ottawa annoncé d’ici un mois »). Or, je ne m’enthousiasme qu’à moitié.
Comprenez-moi bien.
Je ne suis pas déçu que la ministre du Patrimoine canadien confirme qu’elle annoncera d’ici peu des mesures pour aider les médias.
Oh, que non! Loin de là.
Ce qui freine un peu mes ardeurs en revanche, ce sont plutôt toutes ces nouvelles qui démontrent régulièrement à quel point le fossé se creuse d’une année à l’autre entre les gros jours d’un côté et les petits de l’autre dans le domaine de la publicité numérique.
En fait, deux gros, deux très gros joueurs occupent l’essentiel de la patinoire : Facebook et Google.
C’est comme si une équipe de pee-wee affrontaient Mario Lemieux et Wayne Gretzky dans leurs meilleures années.
Changer le modèle d’affaires, oui, mais par où et comment commencer?
La ministre Joly et le gouvernement Trudeau ne s’en sont jamais cachés. Ils ne sont pas particulièrement chauds à l’idée d’injecter de l’argent dans des modèles d’affaires qui, précisent-ils, sont dépassés à leurs yeux.
Le journalisme est primordial pour une démocratie en santé. Nous avons toujours supporté le journalisme local et nous allons continuer de le faire. Nous avons toujours été clair: nous n’allons pas soutenir les modèles qui ne sont plus viables. #polcan
— Mélanie Joly (@melaniejoly) 26 janvier 2018
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Journalism is critical to a healthy democracy. We have always supported local journalism and will continue to do so. We have been clear: we will not bail out models that are no longer viable. #cdnpoli
— Mélanie Joly (@melaniejoly) 26 janvier 2018
Ça se défend parfaitement. Oui, parfaitement.
Oui, la Norvège, la Suisse (très bientôt) et d’autres pays d’Europe et d’Asie ont déjà complètement migré ou sont en train de faire migrer la radio traditionnelle de la bande FM vers la bande numérique. À coups de sommes colossales, soit dit en passant.
Par contre, ça ne se passe pas comme ça au Canada.
Ici, plusieurs croient à tort ou à raison que ça va passer assurément par l’Internet.
Je ne suis pas de ceux-là mais il faut quand même que je leur concède qu’à ce jour, les plans de conversion vers la technologie numérique hertzienne ne se sont jamais réellement concrétisés au pays.
J’ai toutefois ma petite idée sur les raisons. Là encore, ça tient beaucoup à une poignée de gros joueurs.
Comprenez par là : les grosses entreprises qui fournissent l’Internet, le câble et les services de données mobiles aux Canadiens sont précisément les mêmes qui sont aussi propriétaires des grands réseaux de radio et de télé.
Une domination sans partage
Cette semaine encore, on apprenait qu’en France, Facebook et Google ont accaparé ensemble presque toute la croissance (92 %) du marché publicitaire numérique l’an dernier. C’est comme ça depuis des années.
Non mais, pensez-y.
À chaque nouveau dollar qui est dépensé en publicité numérique, ces deux-là ramassent 0,92 $ tandis que le reste de l’industrie ne recueille que 0,08 $. Des ‘peanuts’.
Une réalité qui se confirme non seulement en Europe mais également ailleurs sur le globe. Canada inclus.
Si nos petits médias effectuent le virage numérique et qu’ils ne sont pas en mesure de générer davantage de revenus en ligne ou même préserver ceux qu’ils avaient déjà, personne ne sera plus avancé. Personne. Ni nos médias, ni le gouvernement, ni nos communautés.
Y a-t-il de la place pour de nouveaux joueurs pour piger dans l’assiette de Facebook et Google? Particulièrement quand on sait que le géant Amazon veut lui aussi se tailler une part du gâteau?
Le quintette GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) n’a pas besoin d’aide supplémentaire. Nos petites entreprises, oui.
Il faudra accoucher de solutions novatrices, puis établir des règles claires et justes.
On a toujours dit à la ministre que nous étions volontiers prêts à travailler avec elle et le gouvernement à trouver des solutions. C’est ce qu’on a fait et qu’on continuera de faire.
Cependant, arrangeons-nous collectivement pour que la patinoire ne penche pas tout le temps du même côté et que les arbitres sifflent les punitions.
On va s’arranger ensemble pour compter dans leur but. Pas dans le nôtre.
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