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Août 01
Un écran radar

Les radios qu’on n’aperçoit pas sur l’écran radar

[OPINION] Sur le site de Billboard Canada, David Farrell signe une chronique d’opinion en français (« Dans les médias : La bataille pour maintenir la radio communautaire en ondes »), qui met en lumière les nombreuses difficultés vécues par les radios communautaires du pays, particulièrement depuis l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne en juin 2023.

De grandes oubliées

Malheureusement, même si plusieurs d’entre elles constituent la dernière source d’information francophone de leur région, nombre de radios communautaires comme les nôtres ne se qualifieront pas, ou du moins très difficilement afin d’obtenir une mince pointe de la tarte qui sera servie aux organes de presse canadiens en marge de la Loi sur les nouvelles en ligne.

Qu’on pense en outre aux 100 M$ que Google a promis de verser aux médias canadiens.

Mais, pourquoi diable ces radios communautaires n’obtiendront-elles rien ? Pourquoi n’apparaissent-elles pas sur l’écran radar ?

C’est que plusieurs, voire la majorité, ne cadrent pas tout à fait avec les règles énoncées quant au nombre de journalistes embauchés et certains autres critères alambiqués auxquels doivent se plier les récipiendaires afin d’obtenir une compensation financière.

Pas assez de crochets sur la grille d’évaluation, dirions-nous dans un langage bureaucratique.

Or, faites le tour de l’ensemble des stations radiophoniques canadiennes, autant communautaires que commerciales, et vous constaterez que la réalité est la même chez une grande majorité d’entre elles.

Ces radios ne sont pas considérées comme des producteurs de contenus journalistiques.

Pourtant, il faut savoir que, même si plusieurs n’ont pas une « salle des nouvelles » en bonne et due forme, comme on se l’imagine en rêve, elles transmettent néanmoins une impressionnante quantité d’information. Beaucoup d’information.

De l’information pourtant essentielle pour leurs concitoyens, et qui, dans bien des endroits, ne serait pas connue autrement, ou du moins beaucoup plus difficilement et beaucoup moins rapidement.

Qu’il s’agisse de faire connaître les dates et les heures des collectes de sang, ainsi que des autres cliniques de santé publique comme la vaccination.

Qu’on pense aux entrevues que leurs animateurs réalisent avec les élus municipaux pour parler des récentes décisions du conseil municipal.

Ou encore, comme l’illustre l’auteur David Farrell dans son texte, toute l’information qu’elles acheminent lorsque survient une tempête hivernale, et qu’elles deviennent pour ainsi dire LA « bouée de sauvetage vers le monde extérieur » pour les résidents de leur région.

Des courroies de transmission pourtant essentielles

Bref, ce n’est pas parce qu’elles ne disposent pas d’un service de l’information digne d’une série télévisée de Fabienne Larouche et Réjean Tremblay, qu’elles ne transmettent pas de l’information, ou même qu’elles n’en colligent pas pour le bénéfice de leurs concitoyens.

Au contraire. Ce sont des courroies de transmission essentielles de l’information. Ne l’oublions pas.

Dans son texte d’opinion, Farrell écrit que « le système de radiodiffusion canadien est dans un désastre considérable, causé en grande partie par le désarroi interne dans lequel se trouve le CRTCCRTC Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) est l’organisme public indépendant qui réglemente les secteurs de la radiodiffusion et des télécommunications au Canada. avec un mandat qui a été élargi et un processus de mise en œuvre de changement qui est plus lent que lent. »

Soyons honnêtes. La responsabilité de cette situation n’incombe pas au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), sur les épaules duquel on a jeté une responsabilité supplémentaire, et ce, sans véritablement lui confier les ressources humaines et financières qui auraient dues venir avec l’ampleur de la tâche.

Le texte que vous lisez n’est d’ailleurs pas une charge en règle contre l’organisme. Loin de là. Mais, il faut étaler une réalité à la fois crue et bien réelle.

Ça ne se déroule pas tout à fait comme prévu pour la mise en œuvre de cette loi, d’une part, et ça ne va plus très bien non plus pour notre système canadien de radiodiffusion.

On a beaucoup trop tardé afin de régler une situation qui ne faisait que s’envenimer au fil des années, alors que les géants de l’industrie numérique laissaient une empreinte de plus en plus profonde et indélébile dans l’industrie canadienne des médias et du journalisme.

Voilà des années qu’on aurait dû s’attaquer à la racine du problème, plutôt que de fermer les yeux devant une situation qui se dessinait comme catastrophique.

Dans bien des cas, ces radios ne peuvent plus serrer davantage les cordons de la bourse. Elles n’en ont plus les moyens, de toute façon. Leurs salariés et bénévoles sont à bout de souffle.

Comme l’exprime David Farrell en conclusion de son texte, il est grand temps que les instances décisionnelles et réglementaires, au premier chef le gouvernement fédéral, prennent conscience que l’information, ce n’est pas uniquement l’affaire du diffuseur public, CBC/Radio-Canada, qui tirera incidemment un pourcentage plutôt intéressant des compensations versées, tandis que les plus petits joueurs ne recevront rien.

Comme si l’argent manquait à CBC/Radio-Canada. Ici, pardonnez mon cynisme. Mais, il faut dire les choses comme elles sont.

Le cœur et l’âme de la radiodiffusion au Canada, c’est d’abord et avant tout l’affaire de petites organisations, enracinées dans leur milieu, qui fournissent une voix à leurs concitoyens dont ceux-ci ne bénéficieraient pas sans la présence de leur radio communautaire et locale.

N’attendons pas qu’elles s’éteignent toutes les unes après les autres. On s’en mordrait les doigts. Croyez-moi. On s’en mordrait les doigts jusqu’au sang.

À propos de l'auteur

Professionnel du domaine des médias électroniques avec plus de 30 ans d'expérience, Simon Forgues est à l'emploi de l'Alliance des radios communautaires du Canada depuis 2007. Diplômé en animation radio et télévision au Collège Radio Télévision de Québec, il possède aussi une attestation d'études en création de podcast du Collège Bart. Impliqué dans de nombreux projets liés à la radiodiffusion, et ce, de l'idéation de contenu jusqu'à la production, il a œuvré dans différentes radios du Québec et de l'Ontario, où il a cumulé également des tâches liées à la coordination musicale et à la programmation.

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