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Mai 15
Petit niveau à bulle éclairé d'un néon vert dans une pièce sombre

L’automatisation radio, en équilibre fragile entre positif et négatif

[OPINION] On apprenait récemment qu’une radio européenne avait réalisé un essai pour le moins étonnant. Confier les ondes à une intelligence artificielle pendant treize heures. Cette nouvelle m’a amené à me poser une question toute simple : l’automatisation a-t-elle été plutôt positive ou négative à l’industrie de la radio ?

Une idée qui ne date pas d’hier

L’essai réalisé par cette station radiophonique fait la démonstration qu’on est rendu loin, même très loin.

Imaginez ça. Pendant plus d’une demi-journée, l’intelligence artificielle s’est acquitté de la programmation, de la mise en ondes, de la rédaction des interventions grâce à ChatGPT, et même des interventions qu’elle a réalisées avec la synthèse vocale.

Était-ce parfait ? Sans doute pas. Mais, ça ne fera que s’améliorer. Ou du moins progresser.

Cela dit, depuis de nombreuses années, l’automatisation de la radio est entrée dans les mœurs. Non seulement chez ceux qui travaillent dans l’industrie mais aussi auprès du grand public.

On n’a qu’à jeter un œil à cette page qui retrace les premiers systèmes automatisés de diffusion pour constater que l’idée n’est pas récente.

Qu’il s’agisse de créer et planifier des listes de lecture selon certains critères, ou plus simplement d’enchaîner automatiquement les éléments sonores, l’automatisation de la radio ne date pas d’hier, en effet.

Des avantages évidents

Si on parle d’un point de vue strictement organisationnel et financier, c’est évident. L’automatisation a des avantages indéniables.

En automatisant une station de radio, il est possible de réduire les coûts de la main-d’œuvre, en comblant par exemple certaines tranches horaires qui sont moins rentables, comme durant la nuit par exemple.

On soulage aussi le personnel en ondes d’un certain fardeau technique qui lui permet de se concentrer à d’autres tâches. Comme de jouer à Angry Birds sur son téléphone. (Je blague.)

On améliore aussi la fiabilité de la programmation en faisant des enchaînements plus serrés et on évite d’entendre des temps morts. Disons en tout cas moins fréquemment. Quand ça fonctionne rondement bien sûr.

Incidemment, même le service des ventes y trouve son compte. Puisque, l’automatisation permet de programmer des publicités de manière plus efficace en fonction du calendrier préétabli, et de réduire ainsi les risques de diffusions en double ou encore carrément l’omission de diffuser certains messages.

Ça rend d’ailleurs beaucoup plus simple le retraçage des diffusions, tant des publicités que des chansons lorsque vient le temps de produire des rapports pour les droits d’auteur.

Bref, on peut difficilement nier que l’automatisation a apporté beaucoup d’avantages.

Les désavantages sont quand même présents

Mais, on ne va pas se leurrer non plus. L’automatisation de la radio n’a évidemment pas que de bons côtés.

Celle-ci a malheureusement entraîné une certaine perte de spontanéité et de créativité dans les émissions, qui, me semble-t-il, amélioraient l’expérience d’écoute à l’époque.

D’ailleurs, si les bons côtés de l’automatisation sont indéniables lorsque celle-ci est bien préparée, il faut quand même avouer que les erreurs s’avèrent souvent catastrophiques lorsqu’elles surviennent.

Car, ce n’est parce qu’on a activé le système d’automatisation que la ‘playlist’ est forcément exempte d’erreur. Ni que les interventions qu’on avait préenregistrées vont être correctement insérées aux bons moments.

Des points de mixage mal faits entraîneront des enchaînements cacophoniques, par exemple. Un gel momentané de l’ordinateur pourrait paralyser la mise en ondes de longues secondes, voire des minutes dans certains cas.

Et quoi encore ?

L’une des choses particulièrement désagréables de l’automatisation, c’est de constater à quel point certains dirigeants manquent d’ingéniosité, et se vautrent dans le confort de cette solution facile.

Il suffit par exemple qu’un animateur tombe malade et ne puisse entrer au boulot une journée, pour qu’immédiatement on active l’automatisation. Sans prendre le temps de lui chercher un remplaçant.

Au détriment bien sûr de l’auditeur qui s’attendait sans doute à être accompagné dans ce créneau horaire par la présence d’un animateur, mais aussi de l’annonceur qui aurait sans doute préféré s’annoncer dans un ‘show’ de radio plutôt qu’une simple ‘playlist’ de deux heures.

Un autre phénomène qu’on peut aussi déplorer survient lorsqu’on vit en outre une crise du verglas, une tempête de neige ou encore une inondation. Des situations qui, normalement, devraient requérir la présence d’une voix en ondes.

Malheureusement, alors qu’on devrait faire entrer un animateur pour communiquer de l’information à la population, on se contente trop souvent de presser le bouton de l’ordinateur pour tout mettre en mode automatique de 18 heures jusqu’à 6 heures le lendemain.

Comme si, en 2023, il était impossible de faire de la radio même de chez soi, si on le souhaite.

Faites preuve d’un peu de flexibilité, ma foi. Ça fait des années qu’on dit que la radio est là pour servir la population en de telles circonstances.

Pouvez-vous, s.v.p., ne pas lancer dans votre propre filet ?

En conclusion, il faut trouver le juste équilibre

En un mot comme en mille, il faut trouver le juste équilibre entre l’automatisation et la créativité afin de maximiser les opérations d’une station de radio. Ce n’est pourtant pas si simple.

Automatiser a certainement des avantages à côté desquels il est difficile de passer. Comme de maximiser les ressources financières et humaines, sans trop jouer sur la qualité du produit en ondes.

Or, qui trop embrasse mal étreint, comme dit le vieux proverbe.

À trop vouloir recourir à l’automatisation et, comme dans l’exemple initial, à l’intelligence artificielle, je pense qu’on va finir par tuer le produit radio. Ou du moins le décolorer. En le privant de sa spontanéité et de sa créativité, en grande partie.

L’automatisation radio a-t-elle amené davantage de positif ou de négatif, d’après vous ? Qu’en dites-vous ?

À propos de l'auteur

Professionnel du domaine des médias électroniques avec plus de 30 ans d'expérience, Simon Forgues est à l'emploi de l'Alliance des radios communautaires du Canada depuis 2007. Diplômé en animation radio et télévision au Collège Radio Télévision de Québec, il possède aussi une attestation d'études en création de podcast du Collège Bart. Impliqué dans de nombreux projets liés à la radiodiffusion, et ce, de l'idéation de contenu jusqu'à la production, il a œuvré dans différentes radios du Québec et de l'Ontario, où il a cumulé également des tâches liées à la coordination musicale et à la programmation.

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