Comment réagiriez-vous si l’un de vos animateurs était subitement plongé au cœur d’une affaire de mœurs ou encore qu’il décédait tragiquement ?
Le cas de l’animateur Éric Salvail et, plus récemment, la vague de dénonciations de cas de harcèlement et d’agressions sexuelles dans les médias sociaux pourraient amener votre station à réagir rapidement et sortir le plan B.
L’arrestation de l’ex-ministre libérale Nathalie Normandeau en 2016 avait là aussi contraint l’employeur à adopter des mesures d’urgence. Elle était à ce moment-là une figure elle aussi bien connue du domaine médiatique.
Mais vous, sauriez-vous que faire ?
On ne remplace pas un animateur comme un commis de dépanneur
Désolé si je vous l’apprend, mais on ne remplace pas un animateur radio au pied levé comme un commis de dépanneur qui s’absente pour un vilain rhume.
Une personnalité publique jouit d’une certaine popularité. Bien des circonstances pourraient vous forcer à devoir faire volte-face rapidement. Pas juste une affaire de mœurs.
Une morte subite. Une arrestation pour conduite avec les facultés affaiblies. Une disparition lors d’une excursion de chasse. Etc. De sérieux casse-têtes.
Agissez vite, mais agissez bien
Dans notre système de justice, n’oubliez pas que la présomption d’innocence existe.
Or, lors d’une enquête judiciaire, l’opinion publique joue rarement ou même jamais en votre faveur.
Attendez-vous d’ailleurs à lire beaucoup de commentaires dans vos médias sociaux. Vous devriez d’ailleurs déjà vous y préparer.
Retirer immédiatement des ondes la personne concernée est non seulement une bonne chose pour le mieux-être de celle-ci, mais aussi (et surtout) pour les victimes ainsi que la réputation de l’entreprise.
Malgré la présomption d’innocence, les gens s’attendent à ce que vous réagissiez de manière claire et nette.
Être préparé, c’est aussi devoir modifier en catastrophe le titre de l’émission si elle porte le nom de la personne incriminée.
C’était le cas de l’émission « Normandeau-Duhaime » que Mme Normandeau co-animait jusque-là en compagnie d’Éric Duhaime. Ce fut aussi le cas de l’émission « Éric et les fantastiques » sur le réseau Rouge FM.
Différentes situations exigent différentes actions
S’il s’agit d’une affaire judiciaire, vous devrez vous dissocier de la personne, tout en prenant soin de ne pas l’incriminer.
Rappelez-vous, le principe de l’innocence existe jusqu’à preuve du contraire.
Au besoin, faites-vous conseiller par un cabinet d’avocats et/ou une firme spécialisée dans de tels dossiers.
Il faudra vous assurer de contrôler les dommages en rassurant rapidement l’auditoire que vous prenez la situation en main et allez réagir de manière ordonnée.
S’il faut que la direction générale aille en ondes, faites-le.
Expliquez que vous avez pris la mesure des événements, que vous avez décidé d’agir rapidement et assurez à l’auditoire que vous prendrez toutes les dispositions nécessaires dans les circonstances.
La transparence et l’honnêteté sont des vertus généralement appréciées en relations publiques.
Désolé. Vous ne pouvez pas vous rouler en petite boule dans un coin et attendre que la tempête passe.
S’il s’agit d’une perte subite, la réaction sera évidemment différente mais, là aussi, il faudra agir promptement.
Vous devrez adresser des condoléances et rassembler quelques témoignages et souvenirs pour rendre hommage au défunt.
Mais là encore, préparez-vous à devoir modifier toute référence à cette personne en ondes comme dans votre site Web, qu’il s’agisse d’un crime allégué ou d’une disparition tragique. En voici l’exemple.
Il serait bien malvenu de laisser traîner pendant des mois sur votre site web le titre d’une émission avec le nom d’une personne accusée d’agression sexuelle ou même décédée tragiquement.
Personne ne gagne à voir le nom d’un présumé agresseur continuer d’être affiché dans votre site web.
Ni vous, ni l’accusé, ni les victimes potentielles, ni les proches, ni vos clients annonceurs.
Je vous dirais d’ailleurs que c’est l’une des premières choses à faire de nos jours. S’occuper du web.
Les références disparaissent du site de l’entreprise, et ce, assez tôt après les faits.
Sauf bien sûr s’il s’agit d’une perte tragique. Dans un tel cas, on préparera au moins un texte de circonstances pour déplorer la disparition de la personne. C’est le minimum.
On prendra soin toutefois de retirer immédiatement les thèmes sonores de l’émission où l’on fait mention de la personne. Puis, on interrompt les promotions ainsi que les indicatifs de la station où l’on en parle.
Si des publicités de l’émission paraissent dans le journal local, sur des panneaux d’affichage ou ailleurs, vous devrez les faire disparaître.
Toutes ces mesures rapides, même si elles sont temporaires et que la personne est disculpée par la suite, permettront à la poussière de retomber tranquillement.
Vous réagirez au moment opportun si les circonstances prennent une autre tournure, mais vous ne pouvez vous permettre d’attendre.
Ça peut arriver même dans les régions
Vous croyez que de telles histoires n’arrivent qu’à Montréal, Québec ou Toronto ?
Détrompez-vous… Ça peut arriver même en région.
En mai 2012 à Saint-Georges de Beauce, l’arrestation de Louis Poulin, alors entraîneur d’une équipe de football et journaliste sportif sur les ondes d’une radio locale, avait forcé la direction de l’entreprise à suspendre l’employé le temps des procédures judiciaires.
Au terme du procès, Louis Poulin fut condamné à 12 mois d’emprisonnement ainsi qu’à une probation de trois ans, en plus d’être inscrit au registre des délinquants sexuels.
La direction de la radio avait donc réagi avec doigté lorsqu’elle l’avait retiré des ondes, et ce, dès le début des procédures judiciaires.
Les événements qui suivirent furent beaucoup plus facile à gérer.
Dans le domaine de la radio, si votre plan A vous apparaît excellent, assurez-vous de disposer d’un plan B qui soit, sinon meilleur, en tout cas aussi bon que le premier.
Parce qu’on ne sait jamais. Une tuile peut vous tomber sur la tête demain matin.
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