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Avr 25
Logo de Netflix sur un écran

Ce que les radios devraient apprendre du choix cornélien de Netflix (analyse)

Les consommateurs sont devenus de plus en plus intolérants envers la publicité. Mais en même temps, ils rechignent à payer davantage leurs services d’info et de divertissement. Le dilemme est cruel. Netflix est en train de le vivre et les radios devraient en tirer des leçons.

Envie d’écouter cette analyse plutôt que de lire ? (7:36)

 

Le choix cornélien de Netflix

C’est quand même ironique. Les gens lèvent le ton contre la publicité. Mais de l’autre côté, peu accepteraient de payer davantage pour un service qui coûterait plus cher s’il n’y avait justement pas de la publicité.

Si on entend de la pub à la radio traditionnelle, c’est pour que le service demeure gratuit. Si l’on souhaite ne pas en entendre, il faut adhérer à un service payant de radio par satellite ou de musique en continu, par exemple.

Continueriez-vous de payer 9,99 $ par mois pour un service de streaming audio, si l’on vous annonçait qu’il faudra passer 2 pubs de 30 secondes à chaque quart d’heure pour conserver la tarification actuelle ?

Il y a fort à parier que non. C’est pourtant le choix cornélien devant lequel se retrouve Netflix actuellement.

 

On apprenait récemment que l’entreprise créera éventuellement — dans un horizon d’un à deux ans — un ou même plusieurs forfaits moins dispendieux que les tarifs actuels. Toutefois, ceux-ci renfermeront des publicités.

Lorsque j’ai partagé cette information sur mon compte Twitter, des gens ont immédiatement affirmé que si Netflix empruntait cette avenue, ils se désabonneraient.

Le géant américain de la vidéo sur demande a eu cette réflexion alors qu’il perdait quelque 200 000 abonnées au cours du dernier trimestre. Pis encore, l’entreprise pense perdre 2 millions d’autres abonnés d’ici très peu de temps.

Croyez-moi. Les radiodiffuseurs ont tout intérêt ces jours-ci à surveiller attentivement ce que fera Netflix.

Comment générer davantage de revenus, sans pour autant écœurer l’auditoire, si vous me permettez l’expression ? Toute une question.

 

La nécessité est mère de l’invention

Netflix se retrouve maintenant devant ce qu’on appellerait en anglais un Catch-22. Une situation où elle ne pourra qu’être perdante.

Si elle hausse ses tarifs, elle risque de voir d’autres abonnés fuir.

Or, si elle ne les hausse pas et compense par des publicités, elle risque fort d’irriter des consommateurs qui s’étaient abonnés à Netflix précisément parce qu’il n’y avait pas de publicité.

Quoiqu’elle fasse comme choix, au mieux pourra-t-elle freiner l’érosion de ses abonnements.

D’abord, pourquoi Netflix perd-t-elle des abonnés ?

D’une part, parce que la compétition est devenue de plus en plus féroce.   Disney+, Amazon Prime Video et autres. Le choix ne manque pas.

D’autre part, Netflix a haussé sa tarification à de trop nombreuses reprises au cours des dernières années. Ce qui a profondément irrité nombre de consommateurs qui l’ont quitté pour aller voir ailleurs.

Enfin, nous vivons actuellement une inflation rarement vue, qui amène plusieurs consommateurs à revoir les dépenses.

Où coupe-t-on quand on a moins d’argent pour l’épicerie ? Dans le luxe et les loisirs. Forcément.

Le problème, c’est que si Netflix continue de perdre des abonnés, mais doit en contrepartie continuer de croître et satisfaire les actionnaires, elle n’aura d’autre choix que d’agir rapidement. Et, surtout, ne pas perdre ses clients actuels qui font son pain et son beurre.

Comment y parvenir ? Comme dit le vieil adage, la nécessité est mère de l’invention.

 

Le jeu des prédictions

Je vais vous faire une confidence. J’ai l’impression que dès son lancement, Netflix savait qu’elle n’aurait d’autre choix un jour que d’introduire de la publicité.

La question était de savoir jusqu’où les consommateurs accepteraient la hausse avant qu’elle soit contrainte d’introduire la publicité.

Je vais donc m’avancer à prédire ce qu’on pourrait (ou devrait) voir apparaître dans cette offre tarifaire de Netflix qui renfermera assurément de la publicité, et ce, que vous le vouliez ou pas.

Premièrement, si Netflix reproduit le même modèle que les diffuseurs traditionnels, elle court à sa perte.

Mettre des pauses à toutes les quinze minutes pendant un film, comme TVA et Radio-Canada, serait catastrophique pour l’entreprise.

Sauf qu’en introduisant de nouveaux formats publicitaires et de nouveaux emplacements, elle pourrait ne pas trop frustrer les téléspectateurs, tout en générant des revenus intéressants.

À quoi peut-on songer ?

Je ne serais pas étonné de voir apparaître, à titre d’exemple, de petites bannières pour des colas, des croustilles ou du maïs soufflé parmi le catalogue de titres proposés dans l’interface.

En cliquant dessus, l’on pourrait même visionner les publicités réalisées exclusivement pour la plateforme, et qu’on ne peut voir nulle part ailleurs.

Aussi, de courts messages de 5 ou 6 secondes, qui précéderaient la diffusion d’un film ou d’une série, pourraient ne pas trop importuner les consommateurs non plus. En tout cas, pas tout le monde.

D’autant plus que le format existe déjà sur des plateformes en ligne, dont YouTube qui a introduit ce format publicitaire en 2016.

L’incrustration de logos en filigrane avec des offres promotionnelles à des moments savamment sélectionnés pourraient sans doute intéresser aussi certains annonceurs.

Ne soyez pas surpris non plus de voir de plus en plus fréquemment du placement de produits dans les séries Netflix.

Les bonnes idées publicitaires viennent parfois de la lassitude de l'auditoire

(Photo : Bart / Flickr / licence CC 2.0)

Se réinventer aussi en radio

La morale de l’histoire ? Si vous avez une idée géniale, ne craignez pas d’innover.

Depuis quelques années, particulièrement avec l’avènement du Web, les radiodiffuseurs ont d’ailleurs été contraints faire preuve d’ingéniosité. Il faudra en avoir encore davantage.

En introduisant par exemple de nouveaux formats. Comme des spots de 5, 6, 20 ou même 45 secondes.

On a aussi vu apparaître au fil du temps les commandites de 5 ou 10 secondes, ainsi que des blocs renfermant 3 publicités de 10 secondes du même annonceur, plutôt qu’un 30 secondes.

Ça permet de raconter une histoire, de l’intro jusqu’au dénouement. L’annonceur jouit ainsi d’un maximum d’exposition en ayant l’ouverture et la fermeture du bloc publicitaire. Un avantage qui se paie généralement un peu plus cher d’ailleurs.

Rien ne vous empêche non plus d’introduire sur l’intro ou l’extro des chansons de courtes commandites « cold », c’est-à-dire sans trame musicale.

Netflix vivra assurément des soubresauts avec l’introduction de la publicité sur sa plateforme. Peu importe la façon dont elle s’y prendra.

Certaines décisions pourraient toutefois être moins violentes que d’autres, comme je l’ai fait remarquer précédemment.

En radio, rien ni personne ne vous interdit d’innover en ajoutant un nouveau format publicitaire à votre cahier de vente. La seule limite est sans doute celle de votre imagination.

Regardons aller Netflix avec l’introduction de publicités sur son service et voyons comment elle s’en tire.

Ça risque d’être intéressant comme leçon.

À propos de l'auteur

Professionnel du domaine des médias électroniques avec plus de 30 ans d'expérience, Simon Forgues est à l'emploi de l'Alliance des radios communautaires du Canada depuis 2007. Diplômé en animation radio et télévision au Collège Radio Télévision de Québec, il possède aussi une attestation d'études en création de podcast du Collège Bart. Impliqué dans de nombreux projets liés à la radiodiffusion, et ce, de l'idéation de contenu jusqu'à la production, il a œuvré dans différentes radios du Québec et de l'Ontario, où il a cumulé également des tâches liées à la coordination musicale et à la programmation.