En matière de publicité et marketing, Scott Galloway n’est pas le dernier venu. Et ce qu’il prévoit pour la publicité numérique n’a rien d’une prophétie. C’est un constat évident, selon lui. Nous pourrions assister très bientôt à l’effondrement de la publicité numérique.
Fraude par-dessus fraude, et encore de la fraude
Dans un article intitulé « The Imminent Collapse of Digital Advertising », l’auteur, conférencier et, surtout, professeur clinique de marketing livre une charge à fond de train contre l’industrie de la publicité numérique.
Surtout contre son appétit gargantuesque, qui l’amène à tolérer un phénomène devenu incontrôlable : la fraude publicitaire.
Galloway évoque en outre que la fraude dans le domaine de la publicité numérique pourrait s’élever à 150 milliards $US d’ici 2025, ce qui en fera l’activité criminelle la plus lucrative… juste après le trafic de la drogue.
Actuellement, jusqu’à 88 % des clics publicitaires sont en réalité frauduleux.
Comment le contredire, alors qu’une enquête de Reuters révélait récemment que le géant du commerce en ligne Amazon se serait livré lui-même à une vaste opération frauduleuse.
Bref, même les géants du web en sont les complices, ou, pire encore, carrément les artisans.
L’entreprise fondée par Jeff Bezos copiait des produits d’entreprises tierces pour les vendre sous sa propre marque et manipulait les résultats de recherche afin d’avantager ses propres produits, rapporte Forbes.
La publicité numérique s’accapare maintenant près de la moitié (48 %) de toutes les dépenses publicitaires américaines. Il en va de même partout ailleurs sur la planète.
Or, comme l’évoque l’auteur de l’article, cette croissance phénoménale a fait croître avec elle le nombre de pattes à graisser (« palms to be greased », selon l’auteur). Plus d’argent, plus de vautours.
Donc, beaucoup plus d’opportunités de tricherie qu’il est devenu plus difficile de détecter, notamment à cause des fameux algorithmes dont se servent les Google et Facebook de ce monde.
Actuellement, jusqu’à 88 % des clics publicitaires sont en réalité frauduleux. Ce sont tout près de 9 clics sur 10 qui sont fictifs, alors qu’un seul serait attribuable à un consommateur.
Soit les publicités sont « vues » en réalité par des robots qui ne font qu’explorer internet afin d’en répertorier le contenu. Soit les clics sont effectués par les ouvriers sous-payés dans les fermes à clics asiatiques. Quelquefois, c’est nous aussi, les internautes, qui appuyons malencontreusement sur une publicité qui ne nous intéressait pas.
Mais, dans tous les cas, c’est une dépense inutile pour l’annonceur.
Dans ce documentaire, on apprend à quel point le Bangladesh est devenu, en l’espace d’à peine quelques années, un pays où l’industrie des faux « J’aime » et des faux clics s’avère très lucrative.
La mission impossible du ciblage publicitaire
S’il était véritablement possible de cibler avec exactitude les clients qu’on souhaite atteindre, les annonceurs auraient sans doute raison de vouloir payer même quelques dollars supplémentaires pour parler aux bons clients potentiels.
Sauf qu’une étude réalisée en 2018 par Catherine Tucker, enseignante au Massachusetts Institute of Technology (MIT), a révélé qu’il était même difficile de cibler sur internet quelque chose d’aussi basique que le genre de la personne, soit masculin ou féminin.
Au terme de l’étude, on s’est aperçu que dans plus de la moitié des cas, le ciblage publicitaire s’était avéré un échec. C’est pire que si vous tiriez à pile ou face.
Faire réellement du bon ciblage publicitaire sur internet ? Autant parler d’une mission impossible. Jusqu’à 65 % des dépenses en ciblage publicitaire sont carrément gaspillées.
CHIFFRES EN VRAC
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À la toute fin de son article, Scott Galloway sert un sérieux avertissement à tous les intervenants de l’industrie de la publicité numérique.
Non seulement faudra-t-il imposer à l’industrie de la pub numérique des normes strictes appliquées de manière indépendante, mais aussi faire preuve de plus de transparence.
Car, il serait naïf de croire que les divers intervenants vont s’autodiscipliner, écrit-il.
Dans l’état actuel des choses, l’argent coule beaucoup trop facilement entre les mailles du filet pour que quiconque en tire profit intervienne réellement.
Il faudrait entre autres songer, affirme-t-il, à taxer les algorithmes qui servent à diffuser des publicités et du contenu. Rien de moins.
Comme on l’a fait avec le tabac et l’alcool. On se servirait de ces sommes récoltées pour financer notamment la lutte contre la fraude publicitaire ou encore dédommager de petites entreprises lésées par la fraude.
C’est ce qui devrait se produire, toujours selon Galloway. Mais, cela se prodira-t-il ?
Une chose est certaine, en tout cas. L’édifice de la publicité numérique est instable et susceptible de s’effondrer à tout instant, conclut-il avec une pointe de dépit.
À lire (en anglais) : « The Imminent Collapse of Digital Advertising », Scott Galloway sur Medium, 12 octobre 2021
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