Déjà, les grandes entreprises Unilever et Procter & Gamble avaient tiré un coup de semonce. Elles avaient commencé à couper drastiquement dans leurs dépenses publicitaires en ligne.
Les publicités numériques de Procter & Gamble étaient déjà en chute de 41 % par rapport à l’année précédente, tandis que l’entreprise Unilever avait coupé les siennes de 59 %.
Cette fois, le signal est plus clair.
Internet est cassé! Appelez ça comme vous le voulez, il y a un immense problème. Ou plutôt des problèmes graves. Et il faut prendre les grands moyens pour le réparer.
Voici ce que Keith Weed a publié sur son compte Twitter aujourd’hui :
This year will be make… or break. How can the industry rebuild trust in a society that is questioning the impact of digital? I’ll be discussing how I think we can achieve this at @IAB later today. #IAB2018 pic.twitter.com/zwcXt3fMhK
— Keith Weed (@keithweed) 12 février 2018
Le modèle à revoir de fond en comble
N’en déplaise à ceux d’entre vous qui rechignent à l’idée de visionner ou d’écouter des publicités pour consommer des contenus en ligne, il s’agit encore plus souvent qu’autrement de l’unique moyen de financer les activités des producteurs de contenus numériques.
À part de payer pour un abonnement mensuel, et, même encore là, certains prestataires de contenus trouvent le tour de vous passer de la publicité en plus.
De la pub, des revenus, des salariés, du contenu. Ça marche pas mal comme ça.
Malheureusement, Internet est passé de plateforme médiatique financée par la publicité, jusqu’à devenir un bordel publicitaire auquel se greffent une poignée d’articles.
Vous en doutez?
Les nouvelles sont rendues déguisées en publicités sponsorisées et, à l’inverse, des publicités sont déguisées en nouvelles.
Le mélange des genres n’a jamais été aussi préoccupant sur Internet.
Curieusement, aux yeux de certains, c’est nous les médias traditionnels qui avons un problème.
Euh! Ironique, non?
Là, c’est simple. C’est clair.
Unilever et les autres grandes entreprises ne veulent plus financer les activités des géants du Web tant et aussi longtemps que la plateforme Internet n’aura pas été assainie. Tant mieux.
Keith Weed le dit. En 2018, ça passe ou ça casse.
Comment l’industrie peut-elle rebâtir la confiance de la société envers l’univers numérique? C’est la question.
Dans une allocution devant le Interactive Advertising Bureau en Californie, Keith Weed, le directeur du marketing chez Unilever annonce que l’entreprise va retirer toutes ses publicités des « plateformes qui ne contribuent pas de manière positive à la société ».
Nommément Facebook et YouTube entre autres. Bravo!
Couper d’abord les vivres aux gros
Vous pourrez dire ce que vous voudrez. Que ces annonceurs veulent exercer un contrôle sur le contenu, même à la rigueur qu’ils font de la censure.
Mais tant mieux si des joueurs comme Facebook ou encore YouTube, qui n’agissent pas suffisamment rapidement pour régler les problèmes d’intimidation ou endiguer le phénomène des fausses nouvelles, vont se faire couper les vivres.
Si c’est ce que ça prend pour garder à flot une chaloupe qui prend l’eau, moi je dis pourquoi pas?
Google et Facebook arrachent les plus gros morceaux du gâteau? Alors, qu’ils agissent en sociétés responsables. Voilà essentiellement le message des annonceurs qui font leur pain et leur beurre.
Le Web est devenu un buffet à volonté dont l’accès ne tient pas tellement au coût du forfait Internet que vous payez mensuellement, mais davantage aux activités nébuleuses de toute une industrie publicitaire dont on peine à comprendre tous les rouages.
De vrais robots. De faux clics. De vrais internautes. De fausses statistiques.
Neutralité du Net? Allons donc. De la poudre aux yeux.
D’autres pensent exactement la même chose
Les commentaires de Keith Weed rajoutent du poids à ceux de Mark Pritchard, chez Procter & Gamble, qui déplorait l’automne dernier les faiblesses de la publicité numérique et le retour anémique sur l’investissement.
Voyez plutôt. Le temps de visionnement moyen des publicités en ligne ne serait que de 1,7 secondes et à peine 1 publicité sur 5 est visionnée pendant plus de 2 secondes sur Internet.
De fait, seules 25 % environ des dépenses publicitaires en ligne atteignent le consommateur. Le reste se perd dans les tréfonds d’un système qui frôle la fraude très souvent.
À chaque dollar dépensé, seulement 25¢ atteignent la cible et 75¢ passent à côté. Wow!
L’automne dernier, la firme britannique Juniper Research estimait qu’en 2018, les annonceurs allaient perdre pas moins de 19 milliards $US en raison des activités publicitaires frauduleuses sur Internet.
Alors, combien de temps encore les grands annonceurs accepteront-ils de gaspiller 75 % de leurs dépenses publicitaires?
Unilever vient peut-être de lancer le mouvement. Il était temps.
Vous me direz que Procter & Gamble et Unilever ne sont pas mieux placés pour servir des leçons d’éthique en matière de publicité et de commercialisation. Peut-être. Mais j’ai de petites nouvelles pour vous.
Ce sont encore eux qui ont le portefeuille et qui ont en quelque sorte le financement de vos sites Web préférés entre les mains. Désolé, mais c’est comme ça.
Sources :
« Two of the world’s biggest advertisers are cutting back on their digital ad spend », Business Insider, 26 juin 2017
« Unilever threatens to cut back online ads over ‘toxic’ content », Reuters, 12 février 2018
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