La baladodiffusion, c’est un peu le ‘remake’ moderne de la ruée vers l’or du Klondike. Tout le monde cherche une pépite, assez peu la trouve.
Ici, je tiens à préciser que je ne parle pas des auditeurs qui cherchent du contenu. Eux ne manquent pas de trouvailles.
Je parle plutôt des producteurs de contenu sonore qui, eux, cherchent à trouver le filon.
Il faut bien l’admettre, c’est l’une des grandes problématiques du contenu numérique : la découvrabilité.
Rappelons en passant que la ruée vers l’or du Klondike a attiré entre 1896 et 1899 quelque 100 000 personnes vers le Yukon.
Or, combien de ce nombre trouvèrent réellement leur filon? On parle d’à peu près 4 000.
La première question à vous poser
Avant de vous lancer dans la production de balados, à titre de gestionnaire d’une radio communautaire, vous devriez vous demander comment votre média réussira-t-il à inciter 50 000 internautes à télécharger ses balados, et ce, tout en restant fidèle à sa mission de produire du contenu audio destiné à sa collectivité, qu’on appellerait aussi ses propriétaires?
Bref, en bon Canadien français, c’tu la job d’une radio de Gravelbourg en Saskatchewan de produire du contenu audio sur demande pour intéresser du monde de Paris en France ou de Bruxelles en Belgique?
Pourquoi 50 000 internautes?
Parce que 50 000, c’est le nombre approximatif de téléchargements à partir duquel vous commencerez à intéresser suffisamment d’annonceurs pour générer des revenus potentiels.
C’est beaucoup? Vous avez raison.
Avant de vous lancer tête baissée, lisez l’article « What’s next for podcasting? » de TechCrunch.
Il est particulièrement intéressant puisqu’on y traite justement de l’avenir de la baladodiffusion et des prochaines étapes qui pourraient – éventuellement – mener à rentabiliser ce secteur d’activité.
La publicité? Merci mais, non merci
Jusqu’à maintenant, le modèle économique de la baladodiffusion était essentiellement basé sur la publicité.
1. Produire son contenu;
2. Intéresser un auditoire suffisamment large;
3. Attirer des annonceurs à qui l’on vend de la publicité;
4. Les insérer dans son podcast, souvent à l’ouverture et à la fin;
5. Puis, générer des revenus qui seront les fruits de nos labeurs.
Parce que faire de la baladodiffusion, ça requiert quand même un peu de temps. Recherche, entrevues, production, édition et montage sonore, promo dans les médias sociaux, etc.
Vous pourriez aussi en faire une forme de bénévolat s’il ne s’agit que d’un passe-temps. C’est vrai.
Par contre, on a beau être un organisme à but non lucratif, on a quand même un loyer, de l’électricité et de la papeterie à payer.
Similaire à la radio, oui et non
À première vue, le modèle économique peut s’apparenter à celui de la radio. Sauf qu’il diffère quand même. Beaucoup.
À la radio dite traditionnelle, la transmission est certes limitée à la portée de l’antenne. Sauf que le public (local) est relativement facile à cibler, alors que les annonceurs sont assez faciles à prospecter et convaincre.
Ce qui à priori peut paraître un « handicap » est plutôt un avantage dans une certaine mesure.
La baladodiffusion, c’est le contraire. Comme la radio Internet d’ailleurs.
Elle n’ont pas de frontières, certes. Sauf qu’il est beaucoup plus difficile de ressortir du lot. On peut facilement se perdre dans la masse.
Ça nous ramène à la fameuse découvrabilité.
On peut bien essayer de cibler son auditoire avec des sujets pointus, ou, à l’inverse, être très généraliste pour tenter de rejoindre un maximum de gens. Les annonceurs, eux, ont l’embarras du choix.
Ce qui pourrait donc ressembler à un net avantage se transforme bien souvent en « handicap ».
Un modèle économique pas tellement payant
Le modèle économique de la publicité dans la baladodiffusion n’est d’ailleurs pas synonyme de fortune.
Beaucoup d’appelés, peu d’élus.
Incidemment, des entreprises de différents secteurs professionnels ne le voient pas tant comme un générateur de revenus, mais plutôt une forme de promotion, un autre canal publicitaire pour leurs biens et services. On se fait son propre podcast comme on fait des affiches.
D’ailleurs, comme l’illustre l’article de TechCrunch, la planche de salut de la baladodiffusion ne réside peut-être plus tellement dans la publicité qu’on y vend mais dans de nouveaux modèles économiques.
L’an dernier aux États-Unis, les revenus de la pub dans les balados (podcasts) se sont élevés à 314 millions $US.
Ils devraient être d’à peu près 400 millions $US cette année, selon l’Interactive Advertising Bureau (IAB).
Vite comme ça, ces chiffres peuvent sembler énormes. Surtout pour une industrie encore relativement jeune.
Pas faux. Une hausse des revenus de 117 % entre 2016 et 2017, alors qu’elle avait été de 73 % entre 2015 et 2016, c’est en effet assez appréciable.
Mais cela étant dit, selon la firme Nielsen, la baladodiffusion génère jusqu’à 10 fois moins de revenus par heure de production consommée que sa plus proche rivale la radio. (Source)
Quand on peut espérer obtenir approximativement un cent (1 ¢) en revenus par heure d’écoute/auditeur avec la baladodiffusion, chaque heure d’écoute d’un auditeur à la radio génère onze cents (11 ¢).
La baladodiffusion, par sa nature même, peut difficilement supporter l’intégration de trop nombreuses publicités sans s’en trouver compromise. Demandez à n’importe quel consommateur de podcast. Il vous le dira.
Quand on aime cette forme de création sonore, c’est justement parce qu’elle ne renferme à peu près pas ou même pas du tout de publicité.
On essaie donc de couper le moins possible un podcast parce que les auditeurs, d’une façon assez générale, ne sont pas tellement tolérants à cet égard.
C’est comme un bon film de suspens. On ne coupe pas au beau milieu d’une intrigue. Oh, que non!
Briller au milieu d’un ciel rempli d’étoiles
L’épine au pied des créateurs de balados, c’est qu’ils tentent de briller dans un ciel rempli d’autres étoiles. C’est le fameux problème de la découvrabilité dont on parlait précédemment.
Comment traiter de sujets qui rallieront une masse critique d’auditeurs et être suffisamment intéressant pour sortir du lot et être découvert par la masse? Pas facile.
En 2013, à titre d’exemple, à peu près une centaine de podcasts paraissaient chaque jour sur iTunes.
À cette époque, il s’agissait assurément de la plateforme la plus connue pour lancer une baladodiffusion et la faire connaître. L’on voyait déjà des logos iTunes partout nous incitant à s’abonner à des podcasts.
Trois années plus tard, en 2016? Plus de 350 nouveaux balados s’ajoutaient quotidiennement à iTunes. Le chiffre ne fait évidemment qu’augmenter depuis.
Sans compter la multiplication des plateformes de baladodiffusion depuis les dernières années. Buzzsprout, SoundCloud, Podbean, Fireside, Google Podcasts, etc. La liste n’en finit plus de s’allonger.
Il n’est donc guère étonnant qu’aussi peu d’annonceurs soient prêts à allonger suffisamment d’argent pour que ça devienne réellement payant.
Effectivement, le médium gagne en popularité. Les prospecteurs sont de plus en plus nombreux. La fameuse ruée vers l’or 2.0.
Je lance une idée
Si vous souhaitez vivre de la publicité, il faudra assurément redoubler d’ingéniosité pour susciter l’attention.
Créer des produits qui intéressent vos 500 ou 1000 auditeurs locaux, mais également les 48 ou 49 000 autres auditeurs à atteindre pour que ça soit économiquement viable.
Vous devrez peaufiner vos productions pour qu’elles soient suffisamment intéressantes, intégrer les bonnes plateformes de distribution, promouvoir inlassablement vos contenus. Etc.
Le jeu en vaut-il la chandelle? Peut-être. Ou peut-être pas.
Sans doute devrez-vous simplement vous en contenter comme d’une simple plus-value à offrir à vos auditeurs ou comme d’un canal supplémentaire de promotion commerciale pour vos annonceurs publicitaires.
Une sorte de bonus : « Achète-moi 2000 $ de publicité en ondes et je t’offrirai une place dans mon podcast sur l’économie régionale de la semaine prochaine. »
À moins bien sûr qu’on change le modèle économique, comme le suggère TechCrunch. À travers le mécénat? Le sociofinancement? Les subventions publiques? L’abonnement mensuel?
Un buffet « All You Can Eat » de la baladodiffusion?
Je lance une idée… On jase, bien sûr. Posons la question…
Les radios communautaires de l’ARC du Canada, de l’ARCQ et de la NCRA jouiraient-elles, ensemble, d’une notoriété suffisamment forte pour créer une plateforme bilingue de baladodiffusion communautaire où les abonnés paieraient, disons 4,99 $ par mois pour piger dans un buffet à volonté, une sorte de « All You Can Eat » de balados sur différentes thématiques? Une sorte de Netflix canadien du contenu audio à la demande.
Je ne m’avancerai pas là-dessus.
C’est aux amateurs de balados eux-mêmes qu’il faudrait demander de se prononcer sur l’une des solutions avancées par certains spécialistes pour l’avenir de ce médium.
Ce que je peux vous dire par contre, c’est que lorsqu’on a posé la question aux internautes récemment sur notre page Facebook, une intervenantes nous a clairement fait savoir que « ça prendrait du « maususs » de bon contenu ou une « torpinouche » de bonne cause ! Parce qu’il y a quand même une grande offre de contenu accessible gratuitement. » [sic]
Alors, on s’essaie? On la cherche cette pépite d’or?
Relevez vos manches. Ça va prendre beaucoup de jus de ciboulot et pas mal d’huile de coude.
Très bon article. N’oublions pas ceux qui produisent uniquement dans le but de partager du savoir, de la distraction, de la musique ou de la culture. Léo Ferré disait : «qu’il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok, on sait que Rutebeuf avait faim, que Villon volait pour manger, que Baudelaire eut de lancinants soucis de blanchisseuse: » Alors on a peut etre la reponse a cette question : cela vaut il le coup de produire un balado (podcast)