Depuis des années, les médias traditionnels se méfient d’internet comme de la peste. Or, c’est oublier que la technologie IP (Internet Protocol) joue déjà un rôle déterminant en radiodiffusion et qu’elle continuera assurément de le faire au cours des prochaines années.
Au lieu de concevoir internet comme un rival, peut-être faudrait-il plutôt le voir de plus en plus tel un allié.
Nous aurions tout intérêt comme radiodiffuseurs à mieux saisir les impacts mesurables qu’il a déjà pu avoir et qu’il continuera d’avoir sur notre industrie.
Cet article de PSNEurope (« Report: IP set to have a ‘long-lasting impact on broadcast technology’ ») paru l’an dernier m’a amené à réfléchir moi-même sur quelques-unes des évolutions qu’internet a apporté à la radiodiffusion.
Pour franchir les obstacles et les distances
Jusqu’à une certaine époque, on pouvait difficilement aménager un lien STL (lien entre le studio et l’antenne de transmission) sans être en ligne direct et pas plus éloignée qu’une distance prédéterminée.
Vint ensuite la technologie filaire RNIS, appelé en anglais ISDN pour Integrated Services Digital Network, un réseau numérique à intégration de services permettant d’acheminer le signal d’un point à l’autre sans nécessairement être à portée de vue.
En gros, il s’agit d’une ligne téléphonique de qualité hautement supérieure permettant d’offrir une meilleure qualité audio. Problème toutefois, le prix mensuel était souvent prohibitif.
On anticipe d’ailleurs la fin prochaine de cette technologie. Dans un horizon d’au plus 10 ans. Certains fournisseurs en cesseront la commercialisation sous peu, alors que d’autres l’ont même déjà arrêtée.
En effet, depuis l’avènement d’internet, jamais il n’a été aussi simple, facile et peu coûteux de transmettre des flux de données audio sur de très longues distances, du studio jusqu’à l’antenne de transmission.
Les STL-IP pour la radio sont maintenant particulièrement fiables. Ils permettent de franchir des obstacles comme des montagnes et des édifice en hauteur qu’il aurait été à peu près impossible de franchir autrefois avec un simple lien micro-ondes.
Pour partager des contenus avec aisance
À une certaine période de son histoire, notre organisation opérait un réseau satellitaire (le Réseau francophone d’Amérique) afin de fournir du contenu audio à ses membres.
Fonctionnel pendant quelques années, une demande fut déposée au CRTC en 2007 afin de résilier la licence d’opération. Pourquoi?
D’une part, parce que les frais d’opération s’élevaient à des dizaines de milliers de dollars à tous les mois. Une fortune pour entretenir une telle infrastructure.
Aussi parce qu’avec le protocole IP, les connexions à haut débit et les encodeurs/décodeurs à faible latence, il serait possible d’entretenir de nos jours le même genre d’architecture réseau à une fraction du prix.
Beaucoup d’autres organisations à travers le monde ont elles aussi laissé tomber le satellite pour se tourner vers le réseau internet.
Sinon, pour les contenus à télécharger soi-même, et parfois de façon automatisée d’ailleurs, il y a aussi les serveurs FTP (File Transfer Protocol) qui restent très appréciés.
Pour les opérations en studio et hors du studio
Jusque-là, je ne me suis attardé qu’aux avantages du protocole IP afin de parcourir de grandes distances. Mais qu’en est-il de ce qui se passe près de soi?
Pour les opérations radio elles-mêmes, qu’il s’agisse de la production comme de la mise en ondes, il existe désormais des organisations dont l’architecture repose en tout ou en partie sur le protocole IP, comme en témoigne ce projet de la BBC.
Routage publicitaire, gestion musicale, reportages extérieurs, appels téléphoniques, mise en ondes, streaming, audio sur IP, etc. Tout de cette architecture a été pensé en fonction d’une utilisation efficace de la technologie IP.
D’ailleurs, comme l’argent est le nerf de la guerre, internet nous aura d’ailleurs permis d’assurer un bien meilleur suivi des campagnes publicitaires avec les clients et leurs agences, et ce, du début jusqu’à la fin où qu’ils soient situés.
Est-il nécessaire de rappeler que jadis, on recevait les publicités sur des rubans par la poste. Ouf!
Avez-vous aussi oublié qu’il fallait téléphoner à son client pour lui faire écouter sa publicité, tandis qu’aujourd’hui on n’a qu’à lui fournir un hyperlien pour l’écouter directement en ligne afin qu’il nous donne son approbation avant la mise en ondes? Non mais, quelle époque c’était tout de même!
Enfin, si l’on jette un œil hors du studio, n’oublions pas que c’est aussi la technologie internet qui aura permis de conquérir de nouveaux publics à travers la planète grâce au streaming.
Ce fut certes un défi, c’est vrai. Mais ce fut aussi une opportunité de s’ouvrir à de nouveaux marchés.
Encore d’autres opportunités à saisir
La technologie IP nous apportera encore de belles opportunités à saisir.
Quand nous nous sommes alliés récemment à la firme québécoise StatsRadio afin de mesurer l’audience radio de nos membres, nous avons là encore tiré profit de possibilités qui ne nous auraient pas été offertes avant l’avènement d’internet.
Honnêtement, je n’entrevois pas la mort prochaine de la radio transmise par la voie des ondes hertziennes.
Je suis même plutôt optimiste. Je vous suggère d’ailleurs de lire mon texte (« Pourquoi la 5G ne tuera pas la radio FM ») pour voir ce que j’en pense.
La rapidité avec laquelle la radio numérique terrestre se déploie notamment en Europe est une preuve ma foi assez éloquente que les consommateurs ont encore envie d’écouter du contenu audio gratuit à la radio.
Ils veulent le faire sans dépenser pour des forfaits de données onéreux et encore moins se casser la tête pour créer des listes de musique. Ils veulent écouter des contenus en direct, collés à l’événement présent, avec des réactions à chaud, souvent dans le feu de l’action.
J’ai toutefois l’impression que certains radiodiffuseurs pourraient tirer profit davantage des technologies liées au protocole IP. Pour développer de nouveaux produits et conquérir de nouveaux marchés en outre.
En installant des réémetteurs alimentés par protocole IP dans des communautés qu’il n’aurait pas été possible de desservir à une certaine époque, des stations pourraient par exemple desservir des auditeurs qui cherchent encore tant le confort que la facilité d’utilisation de la radio en voiture notamment.
Elles pourraient aussi développer des produits audio connexes apparentés à leur secteur d’activité comme des bulletins d’info à la demande ou des balados nichés.
Internet, un ennemi? Rappelez-vous cette phrase de Mario Puzo, écrivain et scénariste américain, qui est l’auteur du célèbre film Le Parrain : « Garde tes amis près de toi et tes ennemis encore plus près. »
Mais internet est-il réellement un ennemi?
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