[OPINION] Faire de la radio “locale” à 600 kilomètres des studios de la station. Est-ce une réalité du 21e siècle, qui n’a fait que s’accentuer avec la situation pandémique actuelle ? Ou plutôt la lubie d’une nouvelle génération de salariés dont les valeurs diffèrent des nôtres ?
Le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la direction
Le directeur d’une de nos radios membres me partageait récemment l’une de ses préoccupations.
Il cherche des animateurs et des journalistes, mais n’en trouve pas. Ils sont plusieurs dans cette situation.
On me que dira que ça n’a rien d’extraordinaire. Le marché de l’emploi est bouleversé. Dans pratiquement tous les secteurs d’activités.
Or, j’ai un peu menti. Il reçoit des candidatures. Et passablement, en plus.
Mais le problème, c’est qu’aucune de ces candidatures n’aboutira à une embauche. Pourquoi ?
Parce que la majorité de ces candidats proposent de faire leur émission à distance. Depuis leur domicile.
Je comprends qu’on puisse, à titre d’exemple, travailler pour la fonction publique depuis son bureau à domicile, et, de temps en temps, sauter dans la voiture ou l’autobus pour rencontrer son patron ou assister à une réunion en personne.
À la rigueur, ça ne poserait d’ailleurs aucun problème si ces candidats et candidates habitaient la région.
Or, dans le cas qui nous occupe, ce n’est pas le cas. Certains d’entre eux, me disaient-ils, sont à plusieurs centaines de kilomètres de là.
Pire encore, il y en a même qui postulent pour un poste de journaliste, tout en espérant faire le boulot depuis… une autre province.
Pour reprendre une expression consacrée, c’est vouloir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la fermière. Ou, dans le cas présent, celui de la direction.
Difficile de s’imprégner à distance de la vie locale
L’affaire, voyez-vous, c’est qu’une radio communautaire locale est un média de proximité. Comme un dépanneur est un commerce de proximité.
Comment travailler comme caissier de dépanneur assis dans son salon chez soi ? Difficile, n’est-ce pas ?
Je veux bien croire que les émissions dites “syndicated” existent depuis belle lurette. Elles sont même très répandues chez nos voisins américains en outre.
Même chose pour les shows réseaux des grands conglomérats radiophoniques canadiens, qu’on peut entendre aux quatre coins de sa province et même parfois ailleurs au pays.
À la rigueur, on accepte que l’animateur d’une émission de musique spécialisée réalise son émission depuis une autre province. Ça ne pose aucun problème.
Nous avons d’ailleurs plusieurs émissions semblables parmi nos stations, qu’on peut entendre aux quatre coins du Canada. C’est d’ailleurs un peu le principe de l’émission “syndicated” dont je parlais précédemment.
Mais, ce n’est ni possible pour l’émission du réveil, ni du retour à la maison, et sans doute même pas non plus pour l’émission de mi-journée.
La radio communautaire locale, ce… n’est… pas…. ça. Comment s’imprégner de la vie locale et régionale, quand on habite à mille kilomètres ?
Saluer en ondes des serveuses de restaurants et des caissiers de dépanneurs qu’on n’a jamais rencontré soi-même ?
La morale de l’histoire ? Vous espérez occuper le siège du ‘morning-man’ ou animer le ‘drive’ d’une radio à Moncton au Nouveau-Brunswick ou à Kapuskasing en Ontario, mais habitez à Valleyfield ou Drummondville au Québec ?
Sans doute devriez-vous commencer à ramasser des boîtes en carton et magasiner les compagnies de déménagement.
Vous augmenterez ainsi considérablement vos chances d’être embauché. Sinon, vous n’avez strictement rien compris à la radio communautaire locale.
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