Ils dorment dans de beaux hôtels et mangent gratuitement aux meilleurs tables. Comment peut-on, à 22 ou 23 ans, connaître un tel train de vie, alors qu’on est généralement encore aux études à cet âge et qu’on traîne derrière soi une dette de collège ou d’université ? Ils cherchent à influencer.
De grandes entreprises ont recours à des agences spécialisées. Celles-ci trient à leur place les vrais influenceurs des faux.
Or, les petits entrepreneurs, eux, se laissent trop souvent appâter par… les faux influenceurs.
Particulièrement lorsque les temps sont durs et qu’ils n’ont pas tellement d’argent pour la promotion et le marketing.
Parfois, je publie de tels billets pour venir en aide à nos petits entrepreneurs. Parce qu’ils sont aussi des annonceurs dans nos médias.
C’est pour les aider, eux, mais aussi aider nos médias et nos communautés par la bande.
Alors, je vous explique aujourd’hui comment les faux influenceurs procèdent-ils et, plus bas, comment vous en protéger.
Un phénomène plus répandu qu’on ne le croit
La firme Captiv8 met en relation de réels influenceurs avec des entreprises dont ils véhiculeront l’image de marque et les produits. Ici, on cherche de vrais influenceurs.
Quand on jette un oeil aux logos d’entreprises répertoriées, l’on comprend rapidement que c’est une affaire de gros sous.
En 2018, Captiv8 révélait que sur à peu près 2,1 milliards $US de dépenses en marketing d’influence sur Instagram l’année précédente, 11 % impliquait des activités frauduleuses.
C’est près de 240 millions $US en fraude; plus de 315 millions de dollars canadiens annuellement.
L’année suivante, un rapport de HypeAuditor révélait que, sur les 80 000 influenceurs francophones qu’elle avait surveillé sur Instagram, 40 % d’entre eux étaient impliqués dans la fraude. Wow !
Le pire ? Plus les influenceurs ont d’abonnés, plus ils sont susceptibles de recourir à la fraude.
HypeAuditor vérifie les statistiques des principaux sites où l’on trouve des influenceurs et traque les faussaires. On peut d’ailleurs prendre connaissance de son plus récent rapport sur l’état actuel du marketing d’influence.
Les 4 étapes vers des repas et des vêtements gratuits
Ce qui est dommage dans le cas de ces fraudeurs, c’est qu’ils n’hésitent pas à recourir au chantage pour extorquer leurs victimes. C’est un procédé régulièrement utilisé.
En voici un exemple et, croyez-moi, ça arrive plus souvent que vous ne l’imaginez :
1 – Une jeune influenceuse se présente dans un restaurant avec son copain. Son compte est artificiellement gonflé de faux abonnés.
2 – Elle commande un copieux repas avec une bonne bouteille de vin, qu’elle prend en photo, puis elle publie l’image de son assiette plutôt bien garnie avec un commentaire élogieux dans son compte Instagram.
« Meilleurs spaghettis sauce bolognaise de ma vie ! » avec le nom du resto et la rue.
3 – Pendant le repas, elle paie quelques dollars pour acquérir une centaine de ‘likes’ sur sa publication et, pour à peu près le même prix, elle s’offre 5 ou 6 commentaires flatteurs.
4 – À la fin du repas, le serveur arrive avec la facture de 120 dollars. La jeune influenceuse étale au serveur la publication Instagram, pointe du doigt la belle promo qu’elle vient de faire au resto, puis demande une réduction ou même la gratuité de son repas.
Que feriez-vous ?
Ce sont des maîtres du chantage
Nous sommes ici devant un cas flagrant de ce qu’on appelle un catch-22, en anglais.
Peu importe la voie que vous prendrez, l’issue reste la même. Vous êtes piégé.
Si vous acquiescez à la demande, vous perdrez des dizaines de dollars, car aucun des commentaires et ‘likes’ ne vous apportera de vrais clients potentiels.
À l’inverse, si vous refusez, vous essuierez assurément une mauvaise critique dans les outils en ligne tels que Google Local Guide, Tripadvisor, Yelp et les autres. C’est leur façon de procéder.
Ironique, n’est-ce pas ? Dans tous les cas, vous êtes la victime.
Comment devient-on un faux influenceur ?
Devenir un influenceur sans réelle influence, c’est plutôt simple.
D’abord, vous achetez quelques milliers de faux abonnés Instagram à moins d’une vingtaine de dollars canadiens (12,99 $US) par millier.
Il s’agira de votre fond de commerce. Pour environ 200 $CA vous obtiendrez ainsi 10 000 faux abonnés. Un petit investissement qui peut rapporter gros.
Ensuite, il ne vous restera qu’à acquérir de faux ‘likes’ et de faux commentaires pour gonfler artificiellement vos statistiques et en retirer des bénéfices.
Ridicule, me direz-vous ? S’acheter pour 200 $ de followers et 10 ou 20 $ de faux commentaires et de faux ‘likes’ à chaque publication ?
Détrompez-vous.
C’est même plutôt bon marché pour se faire offrir constamment des repas gratuits avec de bonnes bouteilles millésimées, des vêtements griffés et des nuitées à moitié prix dans les meilleurs hôtels.
Comme on dit, ça prend de l’argent pour faire de l’argent. Être un faux influenceur, c’est toute une business.
Un phénomène endémique
Le pire, c’est que le phénomène ne touche pas qu’Instagram. Il touche TOUS les autres réseaux sociaux connus, et ce, sans exception. Facebook, YouTube, TikTok, etc.
En 2018, The New York Times consacrait un dossier complet et très étoffé sur le commerce florissant des “vues” sur YouTube.
Des youtubeurs sans vergogne n’hésitent pas à allonger des liasses de billets pour gonfler leurs statistiques et accroître leur notoriété.
Accepteriez-vous d’offrir à un youtubeur un appareil électronique de votre boutique, par exemple un smartphone de 600 ou 700 $ afin qu’il en fasse la démonstration, mais tout en sachant qu’il n’a qu’une poignée d’abonnés réels ?
Voici donc 9 conseils pour ne pas tomber dans le panneau :
1) Les célébrités et les personnalités réelles disposent de comptes vérifiés par Instagram. Elles arborent un badge bleu avec un crochet blanc à côté de leur nom. C’est le gage d’un compte réel et actif. La plupart des réseaux sociaux d’envergure ont d’ailleurs un tel procédé de certification.
P.S. Attention ! Ça ne veut pas nécessairement dire qu’ils ne publient que d’excellents contenus, mais leur identité est en tout cas vérifiée. Le compte en question appartient bel et bien à la personne stipulée.
2) Cela étant dit, les vrais influenceurs ne disposent pas forcément tous d’un compte authentifié. Certains influenceurs le sont réellement, mais sans avoir obtenu le fameux badge.
Alors…
3) Jetez aussi un oeil aux publications antérieures. Vous paraissent-elles gonflées artificiellement ? Les réactions sont-elles constantes ou y a-t-il plutôt des pics et des creux anormaux ?
En général, les influenceurs ont des réactions assez constantes, et non seulement par-ci, par-là. (Or, acheter tout le temps des likes et des commentaires, ça peut finir par coûter cher.)
4) La biographie peut être particulièrement révélatrice sur les contributions passées dans des médias, les collaborations avec des magazines prestigieux, etc. Une recherche autour de ces mentions pourrait vous en apprendre pas mal.
Quand on a des décennies d’expérience en journalisme automobile et qu’on possède un site réputé où l’on divulgue les nouveaux modèles, on ne se gêne pas pour l’étaler.
5) Les influenceurs sont vus et entendus souvent sur de nombreuses plateformes, et non seulement sur Instagram. Voyez à quoi ressemble leur “influence” sur Twitter, Facebook, YouTube, TikTok, etc. Parle-t-on d’eux aussi dans le journal, à la radio et à la télé ?
6) Les vrais influenceurs créent des contenus originaux qui suscitent de l’engagement et des réactions. Pas juste des photos d’assiettes de pâte à 20 $ et des t-shirts de dessins animés.
7) La fréquence des publications et le style est aussi un excellent indicateur. Une cadence constante autour de certains types de contenus peut révéler que cette personne a adopté une certaine éthique. Ce qui n’est pas à négliger. La personne ne traite peut-être que d’une poignée de sujets, mais elle le fait avec rigueur et constance.
8) Un bon influenceur échangera au moins à l’occasion avec ses fans afin de stimuler l’engagement. Les faux influenceurs ne s’embêtent souvent pas à répondre à de faux commentaires.
9) Enfin, jetez un oeil aux comptes de ceux/celles qui commentent afin de voir ce qu’eux-mêmes ont à offrir. D’où proviennent-ils ? De quoi parlent-ils dans leur compte ?
Si les abonnés sont plutôt des étrangers qui commentent systématiquement de manière vague (ex. : « Bravo pour cette photo ! » ou « Merci de partager cette expérience avec nous »), il y a fort à parier que les activités sont frauduleuses.
Évidemment, il existe quelques autres indices qui vous permettront de déceler les faux influenceurs.
Lisez ce texte (en français) qui vous donnera aussi de bons trucs pour ne pas être piégé. Le chroniqueur techno François Charron en parle aussi ici.
C’est à vous d’être alerte afin de ne pas vous laisser rouler dans la farine par des fraudeurs qui vivent sur votre bras.
Avant d’acquiescer naïvement à la requête d’un influenceur qui insiste pour obtenir son repas ou le dernier gadget à la mode, réfléchissez-y par deux fois. Retirez-vous dans l’arrière-boutique et faites une petite recherche.
Qu’on me comprenne bien. Je le répète.
Il existe de véritables influenceurs. Je ne dis pas le contraire. Loin de là.
Par contre, ceux-là jouissent d’une notoriété basée entre autres sur l’expertise développée autour d’un sujet donné au fil des années.
Pas juste sur des photos d’assiettes de spaghetti sauce bolognaise à 20 dollars.
Vous ecrivez aussi dans l’Express à TO? https://l-express.ca/faux-influenceurs/
Merci de nous lire mais aussi de commenter. En fait, nous avons consenti à Francopresse, l’agence de presse de l’Association de la presse francophone, l’autorisation de reprendre le texte pour leur publication web. Le texte a pu ensuite être retranscrit dans leurs médias membres, dont L’Express. Bonne journée.
Sur le sujet (texte en anglais) : https://www.bbc.com/news/amp/business-54543279
Une pâtissière confie avoir connu une recrudescence des demandes de pâtisseries gratuites par des « influenceurs » depuis le début de la pandémie.
Or, son commentaire est le suivant : « We have never had a sale off someone [saying] they saw our cake on someone’s post or profile, it’s always been through word of mouth, from paying customers. »
Traduction libre : Nous n’avons fait une seule vente à quelqu’un qui nous rapportait avoir vu l’un de nos gâteaux sur le profil d’une personne; c’est toujours le bouche à oreille de clients payants qui nous apporte des clients.