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Jan 26
Un oiseau mort sur un plancher

Twitter connaîtra un sort sans doute pire que MySpace

[OPINION] En mars 2006, un réseau social voyait le jour et allait changer drastiquement notre façon de consommer désormais l’info en ligne. Dix-sept ans plus tard, et quelques mois après son rachat, Twitter pourrait-il connaître un sort comparable à MySpace ? Il pourrait même être pire, à mon humble avis.

La fulgurante ascension… et la chute lente et inexorable de MySpace

C’est vrai. MySpace et Twitter sont distincts. Tant par leur interface que l’usage qu’on en fait. Or, ils ont quand même certains points en commun.

Le principal ? Avoir été rachetés par deux richissimes milliardaires assez peu collés à la normalité dans leur façon de mener leurs affaires, pour rester poli.

Le premier, Rupert Murdoch. Un magnat australo-américain des médias.

Le second, Elon Musk. L’homme le plus riche de la planète, jusqu’au rachat de Twitter et la déconfiture de Tesla, connu en outre pour son caractère impétueux.

Créé en août 2003, MySpace est demeuré jusqu’en 2009 le réseau social le plus fréquenté du globe.

Racheté en juillet 2005 par News Corp., du richissime Rupert Murdoch, MySpace devint en très peu de temps le 4e site le plus fréquenté au monde. Juste derrière Yahoo!, AOL, ainsi que MSN.

Sauf qu’en l’espace d’à peine quelques années, le site a tellement périclité, qu’au printemps de 2011, Murdoch l’a revendu pour… 35 millions $US. Un prix 16 fois moins élevé que celui déboursé en 2005.

MySpace était pourtant une référence pour les créateurs de musique et les artistes en général. Tellement que les agents et maisons de disque suggéraient qu’ils s’occupent d’abord de leur page MySpace avant leur site web.

C’était avant Facebook, entre autres, ainsi que la désertion des annonceurs.

La fulgurante ascension… et la chute phénoménale de Twitter

Créé en 2006, le succès fut aussi rapide pour Twitter. Deux ans après son lancement, il comptait déjà un million d’utilisateurs. À l’été de ses 6 ans, il franchissait le cap des 500 millions d’abonnés.

Le réseau n’a cessé de croître ensuite. Puis, il est devenu l’un des médias sociaux parmi les plus populaires au monde.

Mais, il est loin d’avoir atteint le succès de MySpace. Toute proportion gardée. Bien sûr.

Tout au plus était-il en décembre dernier à la 21e place du Top 50 des sites multi-plateformes (web et mobile) les plus fréquentés aux États-Unis, selon ComScore. Coincé entre Wal-Mart (20e) et le réseau de nouvelles USA Network (22e).

Débourser 44 G$ pour Twitter, alors que MySpace, qui figurait au 4e rang mondial des sites web les plus fréquentés avait été acquis pour 580 M$, relève au mieux d’un coup de tête irréfléchi, au pire carrément de la stupidité.

Si Rupert Murdoch refaisait en 2023 le même achat du 4e site le plus fréquenté au monde, il paierait en dollars actualisés, un montant « d’à peine » 869 millions $US. Cinquante fois moins environ que le montant payé pour Twitter.

D’accord, la capitalisation boursière de Twitter aurait difficilement permis à Elon Musk de débourser un si faible montant pour acquérir Twitter. J’avoue.

On me dira également que le contexte actuel n’est pas celui de l’époque où Murdoch a acheté MySpace. Soit.

N’empêche. 44 milliards $US, c’est ÉNORMÉMENT d’argent. Beaucoup trop pour un site comme Twitter.

Elon Musk est en train de nous faire une démonstration. La bulle spéculative de l’Internet est nettement exagérée. Une belle grosse balloune, comme on dit en bon canadien-français.

Calcul de l'inflation de 580 M$ entre 2005 et 2023

(Source : usinflationcalculator.com)

Les jeux sont faits; rien ne va plus

Depuis la prise de contrôle par Elon Musk, rien ne va plus pour Twitter.

Du licenciement en masse de ses employés, jusqu’à la facturation de comptes vérifiés jusque-là gratuitement, le feuilleton Twitter n’a pas été un long fleuve tranquille.

Le réseau perdra des millions d’utilisateurs au bout de cette mésaventure. Mais, là n’est pas tant le problème. Même s’il en perdait 50 millions, il en resterait encore plusieurs millions à monétiser.

Cela dit, encore faudrait-il que les annonceurs soient au rendez-vous et que les abonnements payants rapportent beaucoup d’argent.

Or, ce n’est pas le cas. Ni pour l’un, ni pour l’autre.

La majorité des gros annonceurs ont déserté Twitter et les abonnements payants à Twitter Blue ne génèrent pas les revenus escomptés. Depuis son arrivée, les revenus quotidiens ont chuté de 40 %.

Poursuivi pour loyer impayé à San Francisco, Twitter ne dispose même plus des liquidités suffisantes pour régler le premier paiement trimestriel de 300 millions $US de sa dette. Même à Londres, on court après lui.

L’entreprise a même dû procéder à la vente aux enchères du mobilier et d’articles de décoration pour soulager ses finances et régler les factures de loyer.

Musk a réussi à faire perdre à Tesla, sa principale vache à lait jusque-là, les deux tiers de sa valeur boursière en 2022, et même son coulage de documents (les ‘Twitter files’) censés miner la crédibilité du président américain s’est retourné contre lui.

Certains s’enthousiasment de la nouvelle direction que Twitter pourrait prendre sous sa gouverne. Notamment en ce qui concerne la liberté d’expression. Ou encore la réhabilitation de certains des plus célèbres agitateurs écartés par la précédente administration.

D’autres en revanche sont inquiets. Personnellement ? Je suis simplement lucide.

Twitter a de graves problèmes. Non seulement pourraient-ils freiner sa croissance mais carrément le précipiter dans un gouffre sans fond.

Le réseau n’en sortira peut-être pas vivant. Contrairement à MySpace qui existe encore.

Avec des finances aussi plombées, il sera difficile d’innover, voire de survivre en de telles circonstances.

Pour vous dire, Twitter a même réussi à se mettre à dos les développeurs externes, qui avaient pourtant largement contribué à sa popularité, en leur coupant l’accès à son API.

C’est dire tout le « génie » (ironie) d’Elon Musk.

Cette fois, il n’y aura pas d’autre Rupert Murdoch pour racheter un réseau social beaucoup trop dispendieux, qui ne vaudrait d’ailleurs plus que la moitié de sa valeur depuis son rachat. En un mot comme en mille, les carottes sont cuites.

Comment trouver les 1,2 milliards $US de revenus annuels nécessaires rien que pour la dette, et ce, sans compter les dépenses ? Autant prier.

Twitter pourrait bel et bien mourir d’ici peu, selon de nombreux observateurs. Quand ? Difficile à dire, mais d’ici un ou deux ans, je n’en serais pas surpris.

Certains en parlent déjà d’ailleurs avec une pointe de nostalgie, comme de l’époque où MySpace talonnait Yahoo!, AOL et MSN au 4e rang des sites les plus fréquentés.

Mais ça, c’était avant Instagram, TikTok, Mastodon et les autres rivaux qui ont poussés depuis.

À propos de l'auteur

Professionnel du domaine des médias électroniques avec plus de 30 ans d'expérience, Simon Forgues est à l'emploi de l'Alliance des radios communautaires du Canada depuis 2007. Diplômé en animation radio et télévision au Collège Radio Télévision de Québec, il possède aussi une attestation d'études en création de podcast du Collège Bart. Impliqué dans de nombreux projets liés à la radiodiffusion, et ce, de l'idéation de contenu jusqu'à la production, il a œuvré dans différentes radios du Québec et de l'Ontario, où il a cumulé également des tâches liées à la coordination musicale et à la programmation.

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