En plein vol vers le numérique, nos médias communautaires vivront-ils tous encore quatre ans et prendront-ils tous le virage?
Il y aura deux ans le 29 septembre prochain, Québec annonçait son plan culturel numérique. Une initiative de 110 M$ qui offre au secteur culturel québécois une série de mesures afin de créer et d’innover dans un contexte numérique en ébullition.
Or, savez-vous combien de temps il a fallu au Québec avant d’accoucher d’un tel plan?
La consultation du secteur culturel a d’abord été initiée en 2010, puis le plan culturel numérique fut présenté en 2014.
Si l’on fait le calcul, ça donne quatre ans.
On est en 2016; le gouvernement fédéral a lancé sa consultation nationale tout récemment.
Si l’on met autant d’années que le Québec pour aboutir à du concret, les mesures pourraient donc être mises en place aux portes de la prochaine décennie, soit en 2020.
Au moins, on a donné nos premiers coups d’ailes vers le numérique
Évidemment, je félicite l’actuel gouvernement d’avoir (enfin!) lancé ce vaste chantier pancanadien. Ça permettra sans doute à l’industrie culturelle canadienne de se doter des outils pour croître et prospérer dans le domaine.
Le but de mon billet n’est ni de pointer du doigt ni de me plaindre des efforts. Toutefois, j’aimerais porter quelques faits indéniables à votre attention.
Entre le lancement du plan québécois et le début de l’exercice fédéral cette année…
La Presse a cessé de faire paraître son édition quotidienne en papier pour ne conserver que ses plateformes numériques.
La chaîne de télévision MusiquePlus a tassé quasiment toute la musique pour se transformer en un fourre-tout de télé-réalités.
La très connue radio communautaire montréalaise CIBL lancée en 1980 a jonglé un temps avec l’idée de cesser d’émettre sur la bande FM pour ne transmettre qu’en ligne.
Et il semblerait aussi que le streaming musical ait carrément supplanté la vidéo en ligne. Qui l’aurait crû il y a deux ans?
Tout ça s’est produit entre la parution du plan québécois et le début des consultations fédérales. Alors, vous voyez comme il s’en passe des choses en deux ans?
Nos médias souffrent et les conséquences seront grandes
Effectivement, comme le reste du secteur culturel, nos petits médias souffrent d’un manque criant de financement afin de poursuivre leur mission et se diriger vers le numérique.
Pour faire émerger de nouveaux talents en chanson et en musique, encourager l’achat local et régional, initier les citoyens à la vie démocratique, promouvoir les organismes communautaires et sans but lucratif, préserver la langue et la culture francophone.
Quand j’ai rédigé le texte «Chers élus, nos petits médias ont besoin de votre aide et ça presse» en août dernier, il ne s’agissait pas de parole lancées en l’air. Nos radios et nos journaux du Canada français ont réellement besoin d’aide.
Zéro plus zéro égale zéro
Je vous lance sur une piste. Le point 26 du plan culturel numérique du Québec est particulièrement intéressant.
Créer une mesure d’aide financière qui permettrait à nos médias communautaires minoritaires de prendre le virage numérique, non, ça ne réglerait pas TOUS les problèmes.
Néanmoins, une telle mesure jumelée à une aide financière comparable à celle du Ministère de la culture et des communication du Québec pour le fonctionnement des médias communautaires, ça les aiderait drôlement.
Parce qu’en ce moment, contrairement à nos homologues québécois, sachez que nos radios n’ont absolument rien. Ni aide pour opérer au quotidien, ni pour prendre ce virage.
Alors, dans ce vol vers le numérique, nos médias minoritaires tomberont-ils tous comme des mouches d’ici 2020 ou continueront-ils tels des oiseaux agiles?
Je n’en ai pas la moindre idée, mais on peut fermer les yeux et croiser les doigts.
Image à la une : “Dramatic death pose” par jared sous licence CC BY
Bonjour, une petite réaction suite à l’article : Certes le numérique est incontournable, le streaming
( merci pour l’info, je l’ignorais) prend une place de plus en plus importante, mais certaines questions ont besoin de réponses :
– La radio de demain restera-t-elle FM ou plutôt orientée production de contenus à télécharger (avec l’avantage de n’écouter que ce qui intéresse) ?
– Y a-t-il donc un modèle économique dans le Pay Per Clic ? Après calcul, pour 1 clic payé 0.15 (et actuellement c’est considéré comme bien payé) , il faut 13 333.33 clics pour arriver à 2000. Pas impossible mais pas facile
– Pour survivre aujourd’hui, une radio doit-elle absolument avoir des webcams dans ses studios pour une diffusion vidéo ?
– Les radios communautaires doivent-elles revoir leurs stratégies, en particulier pour les ressources humaines et les budgets liés ? 5% de salariés pour 95% de bénévoles ou stagiaires (estimation liée à l’expérience personnelle) génère un roulement excessif, l’auditeur ne peut plus s’habituer à une voix, un ton.
– Une radio communautaire peut-elle faire appel à un mécène, ce qui règle le problème financier mais peut fausser la démarche journalistique si jamais ledit mécène se trouve lié à des problèmes judiciaires ?
Beaucoup de questions, qui ont toutes besoin d’une réponse
La radio hertzienne, et ce, sans égard à son standard, va demeurer pertinente. Très pertinente. Au quotidien. La preuve en est qu’en Europe et en Asie entre autres, des sommes colossales sont investies dans la conversion vers la radio numérique terrestre.
Pourquoi investirait-on autant d’argent dans la conversion d’équipements si la viabilité économique et la pertinence même du produit n’existaient pas?
Le contenu sur demande que vous évoquez est sans doute très bon pour combler bien des créneaux tels que la chronique, l’opinion, les débats.
Mais pour l’événementiel et le direct, la radio au quotidien, rien ne bat la radio qui est sans l’ombre d’un doute le média de proximité par excellence.
Ici, je ne fais abstraction ni des plateformes traditionnels comme le FM, ni des nouvelles comme les radios en ligne.
Du direct, c’est du direct.
J’estime, mais c’est mon opinion très personnelle, que les radios communautaires – mais aussi les privées d’ailleurs – n’auront d’autre choix éventuellement que d’adopter un modèle d’hybridation.
Ça veut dire quoi?
Ça veut dire entre autres choses que certains segments devront assurément quitter les ondes, parce qu’ils sont trop “nichés” par exemple, et s’en aller sur le Web à la demande. Là où la compétition se trouve déjà et réussit déjà plutôt bien à vampiriser l’auditoire. “Fight fire with fire”, dirions-nous en anglais.
Tandis que d’autres produits, dont quelques-uns auxquels on ne fait pas naturellement appel en ce moment sur les ondes communautaires, devront sans doute y faire leur apparition. De l’événementiel national, par exemple. Avec les frontières géographiques qui sont maintenant repoussées, pourquoi la notion de communauté ne devrait-elle être que localisée à notre région?
Pour ce qui est du roulement de personnel, vous avez raison qu’il s’agit d’un grave problème pour les petits diffuseurs. Très grave. La rétention des employés entraîne de beaux maux de tête chez les diffuseurs.
Quelles sont les solutions? Difficile de le dire mais c’est certain qu’on ne fidélise pas l’auditoire d’une émission du matin ou du retour en changeant d’animateur à chaque année. Ça prend de la stabilité. On essaie comme organisation de promouvoir le plus possible l’importance de la radio communautaire, les perspectives de carrière qu’elle offre alors que des animateurs finissent par y devenir des directeurs des programmes ou même des directeurs généraux.
Concernant la monétisation des contenus, même si ce n’est pas encore dans nos habitudes, la baladodiffusion peut tout à fait être vendue.
Chez nos voisins du sud et en France aussi, la baladodiffusion est d’ailleurs en train de littéralement sauver à toutes fins utiles certains radiodiffuseurs.
Cet article (https://radiorfa.com/index.php/la-baladodiffusion-remede-audience/) rédigé au mois d’août dernier l’explique. La baladodiffusion, c’est le temps de s’y mettre.
Est-ce que la monétisation des contenus à la demande est LA solution au financement des activités de la radio? Sans doute pas. En tout cas pas toute seule.
Là encore, il faudra assurément adopter un certain principe d’hybridation où les radiodiffuseurs ne devront plus se contenter de vendre de l’air (de l’expression anglaise On Air) mais vendre un peu plus de tangible, du mesurable. Ex. : Faire payer l’annonceur ou l’acheteur du produit au téléchargement des podcasts ou encore, comme vous le dites, au clic pour écouter en ligne. Offrir des produits dérivés et/ou des services connexes comme des guides touristiques audio, de la vidéo en ligne avec incrustation de publicités, etc.
Autrement, et vous en faites bien la démonstration, le modèle du “Pay-Per-Click” ne peut à lui seul se substituer au modèle économique de la radio comme on le connaît. Impossible. Faire vivre un site Web avec juste des clics, c’est la mort assuré. Alors, imaginez faire vivre toute une radio.
La radio communautaire pourrait-elle faire appel au mécénat? Ça, c’est une bonne question.
Peut-être mais je doute que cela soit une bonne idée. En tout cas, il faudra qu’elle marche un peu sur ses principes puisque ça comporte une certaine redevabilité, si je puis dire.
La redevabilité c’est, par définition, un principes contraire au média communautaire. Le média communautaire n’appartient à personne et à tout le monde en même temps. Personne en particulier dans la communauté et toute la communauté du même coup.
Du mécénat collectif, peut-être. Mais pas du mécénat d’UN mécène. J’ai l’air de vouloir laver plus blanc que blanc, mais je crois beaucoup aux principes d’intégrité. Tant et aussi longtemps que les radiothons, les bingos, le socio-financement, les activités de levée de fonds continueront de fonctionner, c’est bien plate à dire, mais ça va rester un incontournable du financement de la radio communautaire.
Quand je dis que « la redevabilité c’est, par définition, un principe contraire au média communautaire », vous aurez compris que je voulais dire qu’hormis les instances législatives et réglementaires auxquelles la radio est assujettie. Je veux dire qu’elle ne doit être redevable à aucun individu en particulier sinon qu’à la communauté dans son entièreté.
Si l’on commence à se demander si nos propos choqueront LE mécène et même risqueront de compromettre le financement éventuel, alors là, on est cuit. L’indépendance prend le bord.