Nos publications
Avr 30
Une pierre tombale dans un cimetière

La radio est (encore ?!?) morte; vive la radio !

Dans le texte « L’IA, la génération Z et la fin de la radio » paru récemment dans Le Devoir, le journaliste Alain McKenna s’interroge sur l’avenir de la radio avec l’avènement de l’intelligence artificielle en audio générative. À mon avis, il serait difficile d’annoncer la mort de la radio d’une façon, disons plus présomptueuse.

L’industrie musicale est sur le point de subir de grands bouleversements. C’est vrai. L’IA a notamment la faculté maintenant de générer des chansons sur mesure. Ce qui n’est pas peu dire.

Non seulement mélange-t-elle des boucles musicales et des instruments. Elle invente littéralement de nouveaux genres musicaux, comme le décrit l’auteur. Carrément.

Il énonce que les jeunes audiophiles de la génération Z aiment de plus en plus remixer des genres musicaux plutôt que de les écouter en boucle.

Et ça, doit-on comprendre, pourrait réduire dans une certaine mesure le rôle traditionnel de la radio.

Mais, est-ce préoccupant au point d’entraîner sa fin ?

Souffrir de « boulimie musicale »

Bien sûr que la radio est encore appelée à se transformer. Surtout que les services de musique en continu cherchent constamment à résoudre le problème de découvrabilité des nouvelles chansons et artistes. Un rôle que jouait principalement la radio jusque-là.

Or, aussi intéressante soit-elle, l’audio générative dont il est question dans le texte ne comble qu’une partie des besoins des audiophiles. Leur lassitude de musiques trop souvent entendues, en les gavant à satiété de nouvelles créations.

Pour emprunter au vocabulaire médical, j‘appellerais ça de la « boulimie musicale ». Bref, se gaver de musique jusqu’à plus faim, dans l’unique dessein de combler son appétit de nouveauté.

Mais, après s’être goinfré ainsi de nouveautés, que découvre-t-on ? On finit par s’apercevoir que la radio, ce n’est pas qu’une banale boîte à musique.

On aime la ‘comfort food’

Allez ! Puisque nous y sommes. Je me permets une autre comparaison sur l’audio générative.

Créer de la musique ainsi, c’est comme si vous espériez que la planète entière se mette soudainement à aimer le sundae à la relish, parce que l’IA et vous-même pensiez que c’était délicieux.

Attention ! Je ne dis pas qu’il ne s’agit pas d’une bonne idée de créer de nouvelles œuvres musicales. Ou même carrément de nouveaux courants musicaux.

Mais, ça me rappelle le texte « Pour les jeunes adultes, la radio c’est comme le ‘comfort food’ des médias » que j’avais écrit en 2017.

Pourquoi les jeunes reviennent-ils tôt ou tard à la radio ? Ou du moins à une formule semblable à la radio ? Peut-être parce que manger des sundaes à la relish, tout comme les autres ‘trips’ d’adolescence, ça dure un temps.

Ce n’est pas en créant de nouveaux genres musicaux, jusqu’à ce qu’il nous en sorte par les oreilles, qu’on crée des courants sociaux entre autres, ni de nouvelles icônes de la culture populaire.

Des icônes dont les jeunes eux-mêmes finiront (ironiquement) par s’attacher, et qu’ils aduleront d’ailleurs dans les médias sociaux et lors de leurs concerts.

C’est avec de la ‘comfort food’ qu’on fait ça. Pas de la ‘junk food’.

Une bouchée de nourriture
L’individualité dans la masse

Disons-le. Une radio musicale personnalisée, telle que décrite dans l’article, c’est quelque chose de foncièrement individualiste. Intéressant, certes. Mais, oui, très individualiste.

Je dirais même que c’est l’antithèse des plateformes de baladodiffusion ou, plus simplement encore, des bonnes vieilles radios traditionnelles.

Ce buzz de savoir qu’on est 5 000 ou 10 000 personnes à avoir téléchargé le même balado de Mike Ward ou des Denis Drolet, ou encore à écouter la même bonne émission de radio.

Bref, être seul mais dans la gang en même temps. C’est ça, entre autres choses, la magie de la radio. « Un pour tous et tous pour un », comme diraient Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas.

C’est ainsi qu’on façonne les nouveaux courants sociaux et les nouvelles icônes de la culture pop. 

Bien sûr que ces évolutions technologiques bouleverseront la place de la radio. Je ne dis pas le contraire.

Cependant, il est présomptueux à mon avis de se questionner si hâtivement sur la fin de la radio.

On omet de dire, comme je l’illustrais, que la radio est un média à la fois très rassembleur, et ce, même dans son individualité.

Et on oublie aussi, mais surtout, cette fascinante capacité d’adaptation et d’évolution dont elle a toujours fait preuve face à l’émergence de nouvelles technologies.

Autrement dit, oui, vous pourrez créer de nouveaux airs musicaux tant et aussi souvent que vous le souhaitez afin de combler votre appétit insatiable de musique.

Mais, s’interroger sur la mort de la radio avec une prémisse comme celle de l’auteur m’apparaît pour le moins présomptueux. Surtout pour un média aussi rassembleur dans son individualité, et dont on a annoncé la mort à tellement de reprises avant aujourd’hui.

À propos de l'auteur

Professionnel du domaine des médias électroniques avec plus de 30 ans d'expérience, Simon Forgues est à l'emploi de l'Alliance des radios communautaires du Canada depuis 2007. Diplômé en animation radio et télévision au Collège Radio Télévision de Québec, il possède aussi une attestation d'études en création de podcast du Collège Bart. Impliqué dans de nombreux projets liés à la radiodiffusion, et ce, de l'idéation de contenu jusqu'à la production, il a œuvré dans différentes radios du Québec et de l'Ontario, où il a cumulé également des tâches liées à la coordination musicale et à la programmation.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.